Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/451

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de fil d’or, et la trame de ces mêmes plumes[1] : tel était sans doute le manteau tissu de plumes de paon qu’envoya le pape Paul III au roi Pépin[2].

Selon Aldrovande, les œufs de paon sont regardés par tous les modernes comme une mauvaise nourriture, tandis que les anciens les mettaient au premier rang, et avant ceux d’oie et de poule commune[3] ; il explique cette contradiction en disant qu’ils sont bons au goût et mauvais à la santé[4] : reste à examiner si la température du climat n’aurait pas encore ici quelque influence.


LE PAON BLANC

Le climat n’influe pas moins sur le plumage des oiseaux que sur le pelage des quadrupèdes : nous avons vu, dans les volumes précédents, que le lièvre, l’hermine et la plupart des autres animaux, étaient sujets à devenir blancs dans les pays froids, surtout pendant l’hiver ; et voici une espèce de paons, ou, si l’on veut, une variété[NdÉ 1] qui paraît avoir éprouvé les mêmes effets par la même cause, et plus grands encore, puisqu’elle a produit une race constante dans cette espèce, et qu’elle semble avoir agi plus fortement sur les plumes de cet oiseau ; car la blancheur des lièvres et des hermines n’est que passagère et n’a lieu que pendant l’hiver, ainsi que celle de la gelinotte blanche ou du lagopède, au lieu que le paon blanc est toujours blanc, et dans tous les pays, l’été comme l’hiver, à Rome comme à Torneo ; et cette couleur nouvelle est même si fixe que des œufs de cet oiseau pondus et éclos en Italie donnent encore des paons blancs. Celui qu’Aldrovande a fait dessiner était né à Bologne, d’où il avait pris occasion de douter que cette variété lût propre aux pays froids[5] : cependant la plupart des naturalistes s’accordent à regarder la Norvège et les autres contrées du nord comme son pays natal[6] ; et il paraît qu’il y vit dans l’état de sauvage, car il se répand pendant l’hiver dans l’Allemagne, où on en prend assez communément dans cette saison[7] ; on en trouve même dans des contrées beaucoup plus méridionales, telles que la France et l’Italie[8], mais dans l’état de domesticité seulement.

  1. Gesner, de Avibus.
  2. Généalogie de Montmorency, p. 29.
  3. Athénée, Deipnosoph., lib. ii, cap. xvii.
  4. Aldrovande, Avi., t. II, p. 29.
  5. Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 31.
  6. Frisch, planche cxx. — Willughby, Ornithologia, p. 113.
  7. Frisch, planche cxx.
  8. Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 31. Il ajoute aussi les îles Madères, en citant Cadamosto, de Navigatione. Je n’ai point la relation de ce voyageur pour vérifier la citation ;
  1. Le paon blanc n’est, en effet, qu’une simple variété du Pavo cristatus.