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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/462

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exempte la faisane du soin de couver[1] ; mais celles que j’ai eu occasion de voir n’ont jamais pondu plus de douze œufs, et quelquefois moins, quoiqu’on eût l’attention de faire couver leurs œufs par des poules communes. Elle pond ordinairement de deux ou trois jours l’un : ses œufs sont beaucoup moins gros que ceux de poule, et la coquille en est plus mince que ceux même de pigeons ; leur couleur est un gris verdâtre, marqueté de petites taches brunes, comme le dit très bien Aristote[2], arrangées en zones circulaires autour de l’œuf ; chaque faisane en peut couver jusqu’à dix-huit.

Si l’on veut entreprendre en grand une éducation de faisans, il faut y destiner un parc d’une étendue proportionnée, qui soit en partie gazonné et en partie semé de buissons, où ces oiseaux puissent trouver un abri contre la pluie et la trop grande chaleur, et même contre l’oiseau de proie ; une partie de ce parc sera divisée en plusieurs petits parquets de cinq ou six toises en carré, faits pour recevoir chacun un coq avec ses femelles ; on les retient dans ces parquets soit en les éjointant, c’est-à-dire en leur coupant le fouet de l’aile à l’endroit de la jointure, ou bien en couvrant les parquets avec un filet. On se gardera bien de renfermer plusieurs mâles dans la même enceinte, car ils se battraient certainement, et finiraient peut-être par se tuer[3] ; il faut même faire en sorte qu’ils ne puissent ni se voir ni s’entendre, autrement les mouvements d’inquiétude ou de jalousie que s’inspireraient les uns les autres ces mâles si peu ardents pour leurs femelles, et cependant si ombrageux pour leurs rivaux, ne manqueraient pas d’étouffer ou d’affaiblir des mouvements plus doux, et sans lesquels il n’est point de génération. Ainsi, dans quelques animaux, comme dans l’homme, le degré de la jalousie n’est pas toujours proportionné au besoin de jouir.

Palladius veut que les coqs soient de l’année précédente[4], et tous les naturalistes s’accordent à dire qu’il ne faut pas que les poules aient plus de trois ans. Quelquefois, dans les endroits qui sont bien peuplés de faisans, on ne met que des femelles dans chaque parquet, et on laisse aux coqs sauvages le soin de les féconder.

Ces oiseaux vivent de toutes sortes de grains et d’herbages, et l’on conseille même de mettre une partie du parc en jardin potager, et de cultiver dans ce jardin des fèves, des carottes, des pommes de terre, des oignons, des laitues et des panais, surtout des deux dernières plantes, dont ils sont très friands ; on dit qu’ils aiment aussi beaucoup le gland, les baies d’aubé-

  1. Voyez Journal économique, septembre 1753.
  2. « Punctis distincta sunt ova meleagridum et phasianarum. Rubrum tinunculi est modo minii. » Historia animalium, lib. vi, cap. ii. Pline, altérant apparemment ce passage, a dit : « Alia punctis distincta ut meleagridi ; alia rubri coloris, ut phasianis, cenchridi. » Historia naturalis, lib. x, cap. lii.
  3. Voyez le Journal économique, septembre 1753.
  4. Ibidem.