Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pine et la graine d’absinthe[1] ; mais le froment est la meilleure nourriture qu’on puisse leur donner, en y joignant les œufs de fourmis. Quelques-uns recommandent de bien prendre garde qu’il n’y ait des fourmis mêlées, de peur que les faisans ne se dégoûtent des œufs ; mais Edmond King veut qu’on leur donne des fourmis même, et prétend que c’est pour eux une nourriture très salutaire et seule capable de les rétablir, lorsqu’ils sont faibles et abattus ; dans la disette on y substitue avec succès des sauterelles, des perce-oreille, des mille-pieds. L’auteur anglais que je viens de citer assure qu’il avait perdu beaucoup de faisans avant qu’il connût la propriété de ces insectes, et que depuis qu’il avait appris à en faire usage, il ne lui en était pas mort un seul de ceux qu’il avait élevés[2]. Mais quelque nourriture qu’on leur donne, il faut la leur mesurer avec prudence et ne point trop les engraisser, car les coqs trop gras sont moins chauds, et les poules trop grasses sont moins fécondes et pondent des œufs à coquille molle et faciles à écraser.

La durée de l’incubation est de vingt à vingt-cinq jours, suivant la plupart des auteurs[3] et ma propre observation. Palladius la fixe à trente[4], mais c’est une erreur qui n’aurait pas dû reparaître dans la Maison rustique[5] ; car le pays où Palladius écrivait étant plus chaud que le nôtre, les œufs de faisans n’y devaient pas être plus de temps à éclore que dans le nôtre, où ils éclosent au bout d’environ trois semaines : d’où il suit que le mot trigesimus a été substitué par les copistes au mot vigesimus.

Il faut tenir la couveuse dans un endroit éloigné du bruit et un peu enterré, afin qu’elle y soit plus à l’abri des inégalités de la température et des impressions du tonnerre.

Dès que les petits faisans sont éclos, ils commencent à courir comme font tous les gallinacés : on les laisse ordinairement vingt-quatre heures sans leur rien donner ; au bout de ce temps on met la mère et les petits dans une boîte que l’on porte tous les jours aux champs dans un lieu semé de blé, d’orge, de gazon, et surtout abondant en œufs de fourmis. Cette boîte doit avoir pour couvercle une espèce de petit toit fermé de planches légères qu’on puisse ôter et remettre à volonté, selon les circonstances ; elle doit aussi avoir à l’une de ses extrémités un retranchement où l’on tient la mère renfermée par des cloisons à claire-voie, qui donnent passage aux faisandeaux : du reste, on leur laisse toute liberté de sortir de la boîte et d’y rentrer à leur gré ; les gloussements de la mère prisonnière et le besoin de se réchauffer de temps en temps sous ses ailes les rappelleront sans cesse et les empêche-

  1. Gerbillon, Voyage de la Chine et de la Tartarie.
  2. Voyez les Transactions philosophiques, no 23, art. vi.
  3. Gesner. — Schwenckfeld. — Journal économique. — M. Leroy, etc., aux endroits cités.
  4. Palladius, de Re rusticâ, lib. i, cap. xxix.
  5. Voyez t. Ier, p. 135.