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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/481

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Quelques naturalistes ont voulu rapporter le hocco au genre du dindon, mais il est facile, d’après la description ci-dessus, de recueillir les différences nombreuses et tranchées qui séparent ces deux espèces ; le dindon a la tête petite et sans plumes, ainsi que le haut du cou, le bec surmonté d’une caroncule conique et musculeuse, capable d’extension et de contraction, les pieds armés d’éperons, et il relève les plumes de sa queue en faisant la roue, etc., au lieu que le hocco a la tête grosse, le cou renfoncé, l’un et l’autre garnis de plumes, sur le bec un tubercule rond, dur et presque osseux, et sur le sommet de la tête une huppe mobile, qui paraît propre à cet oiseau, qu’il baisse et redresse à son gré ; mais personne n’a jamais dit qu’il relevât les pennes de la queue en faisant la roue.

Ajoutez à ces différences, qui sont toutes extérieures, les différences plus profondes et tout aussi nombreuses que nous découvre la dissection.

Le canal intestinal du hocco est beaucoup plus long, et les deux cæcums beaucoup plus courts que dans le dindon ; son jabot est aussi beaucoup moins ample, n’ayant que quatre pouces de tour, au lieu que j’ai vu tirer du jabot d’un dindon, qui ne paraissait avoir rien de singulier dans sa conformation, ce qu’il fallait d’avoine pour remplir une demi-pinte de Paris : outre cela, dans le hocco, la substance charnue du gésier est le plus souvent fort mince, et sa membrane interne, au contraire, fort épaisse et dure au point d’être cassante ; enfin la trachée-artère se dilate et se replie sur elle-même, plus ou moins, vers le milieu de la fourchette[1], comme dans quelques oiseaux aquatiques, toutes choses fort différentes de ce qui se voit dans le dindon.

Mais, si le hocco n’est point un dindon, les nomenclateurs modernes étaient encore moins fondés à en faire un faisan ; car, outre les différences qu’il est facile de remarquer tant au dehors qu’au dedans, d’après ce que je viens de dire, j’en vois une décisive dans le naturel de ces animaux. Le faisan est toujours sauvage, et quoique élevé de jeunesse, quoique toujours bien traité, bien nourri, il ne peut jamais se faire à la domesticité ; ce n’est point un domestique, c’est un prisonnier toujours inquiet, toujours cherchant les moyens d’échapper, et qui maltraite même ses compagnons d’esclavage sans jamais faire aucune société avec eux : que s’il recouvre sa liberté et qu’il soit rendu à l’état de sauvage, pour lequel il semble être fait, rien n’est encore plus défiant et plus ombrageux, tout objet nouveau lui est suspect, le moindre bruit l’effraie, le moindre mouvement l’inquiète ; l’ombre d’une branche agitée suffit pour lui faire prendre sa volée, tant il est attentif à sa conservation. Au contraire, le hocco est un oiseau paisible, sans défiance, et même stupide, qui ne voit point le danger, ou du moins qui ne fait rien pour l’éviter ; il semble s’oublier lui-même, et s’intéresser à

  1. Voyez Mémoires de l’Académie, t. III, p. 226 et suiv.