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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/482

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peine à sa propre existence. M. Aublet en a tué jusqu’à neuf de la même bande, avec le même fusil qu’il rechargea autant de fois qu’il fut nécessaire : ils eurent cette patience. On conçoit bien qu’un pareil oiseau est sociable, qu’il s’accommode sans peine avec les autres oiseaux domestiques, et qu’il s’apprivoise aisément : quoique apprivoisé, il s’écarte pendant le jour, et va même fort loin ; mais il revient toujours pour coucher, ce que m’assure le même M. Aublet ; il devient même familier au point de heurter à la porte avec son bec pour se faire ouvrir, de tirer les domestiques par l’habit lorsqu’ils l’oublient, de suivre son maître partout, et s’il en est empêché, de l’attendre avec inquiétude et de lui donner à son retour des marques de la joie la plus vive[1].

Il est difficile d’imaginer des mœurs plus opposées ; et je doute qu’aucun naturaliste, et même qu’aucun nomenclateur, s’il les eût connus, eût entrepris de ranger ces deux oiseaux sous un même genre.

Le hocco se tient volontiers sur les montagnes, si l’on s’en rapporte à la signification de son nom mexicain tepetototl, qui veut dire oiseau de montagne[2] : on le nourrit dans la volière de pain, de pâtée et autres choses semblables[3] ; dans l’état de sauvage, les fruits sont le fonds de sa subsistance : il aime à se percher sur les arbres, surtout pour y passer la nuit ; il vole pesamment, comme je l’ai remarqué plus haut, mais il a la démarche fière[4] : sa chair est blanche, un peu sèche ; cependant lorsqu’elle est gardée suffisamment, c’est un fort bon manger[5].

Le chevalier Hans Sloane dit, en parlant de cet oiseau, que sa queue n’a que deux pouces de long[6] : sur quoi M. Edwards le relève et prétend qu’en disant dix pouces au lieu de deux M. Hans Sloane aurait plus approché du vrai[7] ; mais je crois cette censure trop générale et trop absolue ; car je vois Aldrovande qui, d’après le portrait d’un oiseau de cette espèce, assure qu’il n’a point de queue[8], et de l’autre, M. Barrère, qui rapporte d’après ses propres observations faites sur les lieux, que la femelle de son hocco des Amazones, qui est le hocco de Curassou de M. Brisson, à la queue très peu longue[9] ; d’où il s’ensuivrait que ce que le chevalier Hans Sloane dit trop généralement du hocco, doit être restreint à la seule femelle, du moins dans certaines races.

  1. Fernandez, Hist. Avi. nov. Hispaniæ, cap. ci.
  2. Idem, ibidem.
  3. Ibidem.
  4. Voyez Barrère, France équinoxiale, p. 139.
  5. Fernandez, Marcgrave, et les autres.
  6. Hans Sloane, Hist. nat. de la Jamaïque, t. II, p. 302.
  7. Edwards, Glanures, p. 182.
  8. Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 332.
  9. Barrère, Novum Ornithol. specimen, p. 82.