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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/488

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un fort bel oiseau, gros comme un chapon[1], plus haut monté, sur des pieds de paon ; il a le cou beaucoup plus long que celui d’un coq, et le bec et la tête approchant de ceux du corbeau ; il a toutes les plumes du cou et du poitrail d’un beau bleu luisant, et aussi agréable que les plumes des paons ; tout le dos est d’un gris brun, et les ailes et la queue, qu’il a assez courtes, sont noires.

« Quand cet oiseau est apprivoisé, il fait le maître dans la maison et en chasse à coups de bec les poules d’Inde et les poules communes, et les tue quelquefois ; il en veut même aux chiens, qu’il becque en traître… J’en ai vu un… qui était ennemi mortel des nègres, et n’en pouvait souffrir un seul dans la case qu’il ne becquât par les jambes ou par les pieds, jusqu’à en faire sortir le sang. » Ceux qui en ont mangé m’ont assuré que sa chair est aussi bonne que celle des faisans de France.

Comment M. Ray a-t-il pu soupçonner qu’un tel oiseau fût l’oiseau de proie dont parle Marcgrave sous le même nom de caracara[2] ? Il est vrai qu’il fait la guerre aux poules, mais c’est seulement lorsqu’il est apprivoisé et pour les chasser, en un mot, comme il fait aux chiens et aux nègres : on reconnaît plutôt à cela le naturel jaloux d’un animal domestique qui ne souffre point ceux qui peuvent partager avec lui la faveur du maître, que les mœurs féroces d’un oiseau de proie qui se jette sur les autres oiseaux pour les déchirer et s’en nourrir : d’ailleurs, il n’est point ordinaire que la chair d’un oiseau de proie soit bonne à manger comme l’est celle de notre caracara ; enfin, il paraît que le caracara de Marcgrave a la queue et les ailes beaucoup plus longues à proportion que celui du P. du Tertre[NdÉ 1].

VII.LE CHACAMEL.

Fernandez parle d’un oiseau qui est du même pays, et à peu près de la même grosseur que les précédents, et qui se nomme en langue mexicaine chachalacamelt, d’où j’ai formé le nom de chacamel[NdÉ 2], afin que du moins on puisse le prononcer : sa principale propriété est d’avoir le cri comme la poule ordinaire, ou plutôt comme plusieurs poules ; car il est, dit-on, si fort et si continuel, qu’un seul de ces oiseaux fait autant de bruit qu’une basse-cour entière ; et c’est de là que lui vient son nom mexicain, qui signifie

  1. Comment le P. du Tertre, en parlant des oiseaux de cette grosseur, a-t-il pu les désigner sous le nom de certains petits oiseaux, comme il le fait à l’endroit cité, p. 255 ?
  2. Marcgrave, Historia naturalis Brasil., p. 211.
  1. Le Caracara de Marcgrave est un oiseau très différent du Caracara de du Tertre ; il appartient au groupe des Rapaces. [Note de Wikisource : Cet oiseau est actuellement classé sous le nom Caracara plancus Miller, vulgairement caracara huppé ou caracara à crête.]
  2. Crax vociferans L. — D’après Cuvier « le Chacamel de Buffon, fondé sur une indication vague de Fernandez, n’a rien d’assez authentique. Sonnini croit que ce pourrait être le Falco vulturinus. » [Note de Wikisource : On identifie actuellement cet oiseau à l’Ortalis vetula Wagler, vulgairement ortalide chacamel.]