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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/496

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nécessairement toutes les fois que l’œuf a éprouvé une chaleur trop forte. Pour remédier à cet inconvénient, on met les œufs dans l’eau pendant cinq ou six minutes ; l’œuf pompe à travers sa coquille les parties les plus ténues de l’eau, et l’effet de cette humidité est de disposer les plumes qui sont collées à la coquille à s’en détacher plus facilement : peut-être aussi que cette espèce de bain rafraîchit le jeune oiseau, et lui donne assez de force pour briser sa coquille avec le bec. Il en est de même des pigeons, et probablement de plusieurs oiseaux utiles dont on pourra sauver un grand nombre par le procédé que je viens d’indiquer, ou par quelque autre procédé analogue.

Le mâle, qui n’a point pris de part au soin de couver les œufs, partage avec la mère celui d’élever les petits ; ils les mènent en commun, les appellent sans cesse, leur montrent la nourriture qui leur convient, et leur apprennent à se la procurer en grattant la terre avec leurs ongles. Il n’est pas rare de les trouver accroupis l’un auprès de l’autre, et couvrant de leurs ailes leurs petits poussins, dont les têtes sortent de tous côtés avec des yeux fort vifs : dans ce cas, le père et la mère se déterminent difficilement à partir, et un chasseur qui aime la conservation du gibier se détermine encore plus difficilement à les troubler dans une fonction si intéressante ; mais enfin si un chien s’emporte et qu’il les approche de trop près, c’est toujours le mâle qui part le premier en poussant des cris particuliers, réservés pour cette seule circonstance ; il ne manque guère de se poser à trente ou quarante pas, et on en a vu plusieurs fois revenir sur le chien en battant des ailes, tant l’amour paternel inspire de courage aux animaux les plus timides. Mais quelquefois il inspire encore à ceux-ci une sorte de prudence, et des moyens combinés pour sauver leur couvée : on a vu le mâle, après s’être présenté, prendre la fuite, mais fuir pesamment et en traînant l’aile, comme pour attirer l’ennemi par l’espérance d’une proie facile ; et, fuyant toujours assez pour n’être point pris, mais assez pour décourager le chasseur, il l’écarte de plus en plus de la couvée : d’autre côté, la femelle, qui part un instant après le mâle, s’éloigne beaucoup plus, et toujours dans une autre direction ; à peine s’est-elle abattue, qu’elle revient sur le champ en courant le long des sillons, et s’approche de ses petits, qui se sont blottis chacun de son côté dans les herbes et dans les feuilles ; elle les rassemble promptement, et avant que le chien qui s’est emporté après le mâle ait eu le temps de revenir, elle les a déjà emmenés fort loin, sans que le chasseur ait entendu le moindre bruit. C’est une remarque assez généralement vraie parmi les animaux, que l’ardeur qu’ils éprouvent pour l’acte de la génération est la mesure des soins qu’ils prennent pour le produit de cet acte : tout est conséquent dans la nature, et la perdrix en est un exemple ; car il y a peu d’oiseaux aussi lascifs, comme il en est peu qui soignent leurs petits avec une vigilance plus assidue et plus courageuse. Cet amour de la couvée