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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/495

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après la pariade il survient des froids un peu vifs, toutes ces paires se réunissent et se reforment en compagnie[NdÉ 1].

Les perdrix grises ne s’accouplent guère, du moins en France, que sur la fin de mars, plus d’un mois après qu’elles ont commencé de s’apparier, et elles ne se mettent à pondre que dans les mois de mai et même de juin, lorsque l’hiver a été long : en général, elles font leur nid sans beaucoup de soins et d’apprêts ; un peu d’herbe et de paille grossièrement arrangées dans le pas d’un bœuf ou d’un cheval, quelquefois même celle qui s’y trouve naturellement, il ne leur en faut pas davantage : cependant on a remarqué que les femelles un peu âgées, et déjà instruites par l’expérience des pontes précédentes, apportaient plus de précaution que les toutes jeunes, soit pour garantir le nid des eaux qui pourraient le submerger, soit pour le mettre en sûreté contre leurs ennemis, en choisissant un endroit un peu élevé, et défendu naturellement par des broussailles. Elles pondent ordinairement de quinze à vingt œufs, et quelquefois jusqu’à vingt-cinq ; mais les couvées des toutes jeunes et celles des vieilles sont beaucoup moins nombreuses, ainsi que les secondes couvées que des perdrix de bon âge recommencent lorsque la première n’a pas réussi, et qu’on appelle en certains pays des recoquées. Ces œufs sont à peu près de la couleur de ceux de pigeon[NdÉ 2] : Pline dit qu’ils sont blancs[1]. La durée de l’incubation est d’environ trois semaines, un peu plus, un peu moins, suivant les degrés de chaleur.

La femelle se charge seule de couver, et pendant ce temps elle éprouve une mue considérable, car presque toutes les plumes du ventre lui tombent : elle couve avec beaucoup d’assiduité, et on prétend qu’elle ne quitte jamais ses œufs sans les couvrir de feuilles. Le mâle se tient ordinairement à portée du nid, attentif à sa femelle et toujours prêt à l’accompagner lorsqu’elle se lève pour aller chercher de la nourriture, et son attachement est si fidèle et si pur, qu’il préfère ces devoirs pénibles à des plaisirs faciles que lui annoncent les cris répétés des autres perdrix, auxquels il répond quelquefois, mais qui ne lui font jamais abandonner sa femelle pour suivre l’étrangère. Au bout du temps marqué, lorsque la saison est favorable et que la couvée va bien, les petits percent leur coque assez facilement, courent au moment même qu’ils éclosent, et souvent emportent avec eux une partie de leur coquille ; mais il arrive aussi quelquefois qu’ils ne peuvent forcer leur prison, et qu’ils meurent à la peine : dans ce cas, on trouve les plumes du jeune oiseau collées contre les parois intérieures de l’œuf, et cela doit arriver

  1. Pline, lib. x, cap. lii.
  1. Nous voyons, dans ce trait de mœurs des perdrix, bien saisi par Buffon, un exemple frappant de l’antagonisme qui existe, chez la plupart des animaux, à un degré plus ou moins prononcé, entre la famille et la société. (Voyez J.-L. de Lanessan, La lutte pour l’existence et l’association pour la lutte.)
  2. Les œufs de la perdrix grise sont piriformes, lisses, colorés en jaune verdâtre.