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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/506

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plus d’ardeur, c’était toujours en présence de leurs femelles, parce qu’un mâle, ajoute-t-il, aimerait mieux mourir que de montrer de la lâcheté en présence de sa femelle, ou que de paraître devant elle après avoir été vaincu[1]. Mais c’est encore ici le cas de séparer le fait de l’intention : il est certain que la présence de la femelle anime les mâles au combat, non pas en leur inspirant un certain point d’honneur, mais parce qu’elle exalte en eux la jalousie, toujours proportionnée, dans les animaux, au besoin de jouir ; et nous venons de voir combien ce besoin est pressant dans les perdrix.

C’est ainsi qu’en distinguant le physique du moral, et les faits réels des suppositions précaires, on retrouve la vérité, trop souvent défigurée, dans l’histoire des animaux, par les fictions de l’homme et par la manie qu’il a de prêter à tous les autres êtres sa nature propre et sa manière de voir et de sentir.

Comme les bartavelles ont beaucoup de choses communes avec les perdrix grises, il suffira, pour achever leur histoire, d’ajouter ici les principales différences par lesquelles elles se distinguent des dernières. Belon, qui avait voyagé dans leur pays natal, nous apprend qu’elles ont le double de grosseur de nos perdrix, qu’elles sont fort communes, et plus communes qu’aucun autre oiseau dans la Grèce, les îles Cyclades, et principalement sur les côtes de l’île de Crète (aujourd’hui Candie) ; qu’elles chantent au temps de l’amour, qu’elles prononcent à peu près le mot chacabis, d’où les Latins ont fait sans doute le mot cacabare pour exprimer ce cri, et qui peut-être a eu quelque influence sur la formation des noms cubeth, cubata, cubeji, etc., par lesquels on a désigné la perdrix rouge dans les langues orientales.

Belon nous apprend encore que les bartavelles se tiennent ordinairement parmi les rochers, mais qu’elles ont l’instinct de descendre dans la plaine pour y faire leur nid, afin que leurs petits trouvent en naissant une subsistance facile ; qu’elles pondent de huit jusqu’à seize œufs, de la grosseur d’un petit œuf de poule, blancs, marqués de petits points rougeâtres, et dont le jaune, qu’il appelle moyen, ne peut se durcir. Enfin, ce qui persuade à notre observateur que sa perdrix de Grèce est d’autre espèce que notre perdrix rouge, c’est qu’il y a en Italie des lieux où elles sont connues l’une et l’autre, et ont chacune un nom différent : la perdrix de Grèce, celui de cothurno, et l’autre celui de perdice[2], comme si le peuple qui impose les noms n’avait pu se méprendre, ou même distinguer par deux dénominations différentes deux races distinctes appartenant à une seule et même espèce ! Enfin il conjecture, et non sans fondement, que c’est cette grosse

  1. Élien, de Naturâ animalium, lib. iv, cap. i.
  2. Voyez Belon, Nature des oiseaux, p. 255.