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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/507

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perdrix qui, suivant Aristote, s’est mêlée avec la poule ordinaire et a produit avec elle des individus féconds, ce qui n’arrive que rarement selon le philosophe grec, et n’a lieu que dans les espèces les plus lascives, telles que celles du coq et de la perdrix[1], ou de la bartavelle, qui est la perdrix d’Aristote. Celle-ci a encore une nouvelle analogie avec la poule ordinaire, c’est de couver des œufs étrangers à défaut des siens ; et il y a longtemps que cette remarque a été faite, puisqu’il en est question dans les livres sacrés[2].

Aristote a remarqué que les perdrix mâles chantaient ou criaient principalement dans la saison de l’amour, lorsqu’ils se battent entre eux, et même avant de se battre[3] : l’ardeur qu’ils ont pour la femelle se tourne alors en rage contre leurs rivaux, et de là tous ces cris, ces combats, cette espèce d’ivresse, cet oubli d’eux-mêmes, cet abandon de leur propre conservation qui les a précipités plus d’une fois, je ne dis pas dans les pièges, mais jusque dans les mains de l’oiseleur[4].

On a profité de la connaissance de leur naturel pour les attirer dans le piège, soit en leur présentant une femelle vers laquelle ils accourent pour en jouir, soit en leur présentant un mâle sur lequel ils fondent pour le combattre[5] ; et l’on a encore tiré parti de cette haine violente des mâles contre les mâles pour en faire une sorte de spectacle où ces animaux, ordinairement si timides et si pacifiques, se battent entre eux avec acharnement ; et on n’a pas manqué de les exciter, comme je l’ai dit, par la présence de leurs femelles[6] : cet usage est encore très commun aujourd’hui dans l’île de Chypre[7], et nous voyons, dans Lampridius, que l’empereur Alexandre Sévère s’amusait beaucoup de ce genre de combats[NdÉ 1].


  1. Je rapporte en entier le passage d’Aristote, parce qu’il présente des vues très saines et très philosophiques. « Et ideo quæ non unigena cœunt (quod eu faciunt, quorum tempus par, et uteri gestatio proxima, et corporis magnitudo non multò discrepans), hæc primos partus similes sibi edunt, communi generis utriusque specie : quales… (ex perdice et gallinaceo) ; sed tempore procedente diversi ex diversis provenientes, demum formâ feminæ instituti evadunt, quomodo semina peregrina ad postremum pro terræ naturâ redduntur : hæc enim materiam corpusque seminibus præstat. » De Generatione animalium, lib. ii, cap. iv.
  2. « Perdix fovit ova quæ non peperit. » Jerem. proph., cap. xvii, v. 11.
  3. Aristote, Historia animalium, lib. iv, cap. ix.
  4. Idem, ibidem, lib. ix, cap. viii.
  5. Ibidem, lib. iv, cap. i.
  6. Élien, de Naturâ animalium, lib. iv. cap. i.
  7. Voyez l’Histoire de Chypre de François Stephano Lusignano.
  1. La Perdrix grecque s’apprivoise très volontiers ; on prétend même que, dans l’Inde, elle se domestique au point de pouvoir être laissée en liberté, comme la poule.