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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/546

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race constante et perpétuelle, et de laquelle il tirera plusieurs autres races qui, sans ses soins, n’auraient jamais vu le jour.

Si quelqu’un voulait donc faire l’histoire complète et la description détaillée des pigeons de volière, ce serait moins l’histoire de la nature que celle de l’art de l’homme ; et c’est par cette raison que nous croyons devoir nous borner ici à une simple énumération, qui contiendra l’exposition des principales variétés de cette espèce, dont le type est moins fixe et la forme plus variable que dans aucun autre animal.

Le biset, ou pigeon sauvage, est la tige primitive de tous les autres pigeons : communément il est de la même grandeur et de la même forme, mais d’une couleur plus bise que le pigeon domestique, et c’est de cette couleur que lui vient son nom ; cependant il varie quelquefois pour les couleurs et la grosseur, car le pigeon dont Frisch a donné la figure sous le nom de columba agrestis[1] n’est qu’un biset blanc à tête et à queue rousses, et celui que le même auteur a donné sous la dénomination de vinago, sive columba montana[2], n’est encore qu’un biset noir bleu ; c’est le même qu’Albin a décrit sous le nom de pigeon ramier[3], qui ne lui convient pas ; et le même encore dont Belon parle sous le nom de pigeon fuyard, qui lui convient mieux[4] ; car on peut présumer que l’origine de cette variété dans les bisets vient de ces pigeons dont j’ai parlé, qui fuient et désertent nos colombiers pour se rendre sauvages, d’autant que ces bisets noirs bleus nichent non seulement dans les arbres creux, mais aussi dans les trous des bâtiments ruinés et les rochers qui sont dans les forêts, ce qui leur a fait donner par quelques naturalistes le nom de pigeons de roche ou rocheraies ; et comme ils aiment aussi les terres élevées et les montagnes, d’autres les ont appelés pigeons de montagne. Nous remarquerons même que les anciens ne connaissaient que cette espèce de pigeon sauvage, qu’ils appelaient οἰνὰς ou vinago, et qu’ils ne font nulle mention de notre biset, qui néanmoins est le seul pigeon vraiment sauvage et qui n’a pas passé par l’état de domesticité. Un fait qui vient à l’appui de mon opinion sur ce point, c’est que dans tous les pays où il y a des pigeons domestiques on trouve aussi des oenas, depuis la Suède[5] jusque dans les climats chauds[6]. au lieu que les bisets ne se trouvent pas

  1. Frisch, planche cxliii, avec une bonne figure coloriée.
  2. Frisch, planche cxxxix, avec une bonne figure coloriée.
  3. Albin, t. II, p. 31, avec une figure, planche xlvi.
  4. Belon, Hist. nat. des oiseaux, p. 312.
  5. « Columba cærulescens, collo nitido, maculâ duplici alarum nigricante. » Linn., Faun. suecica, no 174.
  6. On trouve partout dans la Perse des pigeons sauvages et domestiques, mais les sauvages sont en bien plus grande quantité ; et comme la fiente de pigeon est le meilleur fumier pour les melons, on élève grand nombre de pigeons, et avec soin, dans tout le royaume : c’est, je crois, le pays de tout le monde où l’on fait les plus beaux colombiers… on compte plus de trois mille colombiers autour d’Hispaham. C’est un plaisir du peuple de prendre des pigeons à la campagne… par le moyen des pigeons apprivoisés et élevés à cet usage, qu’ils