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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/565

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déjà forts au commencement d’avril. Quelques gens ont prétendu que, dans notre climat, ils ne produisent qu’une fois l’année, à moins qu’on ne prenne leurs petits ou leurs œufs, ce qui, comme l’on sait, force tous les oiseaux à une seconde ponte. Cependant Frisch assure qu’ils couvent deux fois par an[1], ce qui nous paraît très vrai : comme il y a constance et fidélité dans l’union du mâle et de la femelle, cela suppose que le sentiment d’amour et le soin des petits dure toute l’année ; or, la femelle pond quatorze jours après les approches du mâle[2] ; elle ne couve que pendant quatorze autres jours, et il ne faut qu’autant de temps pour que les petits puissent voler et se pourvoir d’eux-mêmes ; ainsi il y a toute apparence qu’ils produisent plutôt deux fois qu’une par an : la première, comme je l’ai dit, au commencement du printemps, et la seconde au solstice d’été, comme l’ont remarqué les anciens. Il est très certain que cela est ainsi dans tous les climats chauds et tempérés, et très probable qu’il en est à peu près de même dans les pays froids. Ils ont un roucoulement plus fort que celui des pigeons, mais qui ne se fait entendre que dans la saison des amours et dans les jours sereins ; car, dès qu’il pleut, ces oiseaux se taisent, et on ne les entend que très rarement en hiver ; ils se nourrissent de fruits sauvages, de glands, de faînes, de fraises, dont ils sont très avides, et aussi de fèves et de grains de toute espèce ; ils font un grand dégât dans les blés lorsqu’ils sont versés, et quand ces aliments leur manquent, ils mangent de l’herbe ; ils boivent à la manière des pigeons, c’est-à-dire de suite et sans relever la tête qu’après avoir avalé toute l’eau dont ils ont besoin. Comme leur chair, et surtout celle des jeunes, est excellente à manger, on recherche soigneusement leurs nids, et on en détruit ainsi une grande quantité : cette dévastation, jointe au petit produit, qui n’est que de deux ou trois œufs à chaque ponte, fait que l’espèce n’est nombreuse nulle part ; on en prend, à la vérité, beaucoup avec des filets dans les lieux de leur passage, surtout dans nos provinces voisines des Pyrénées ; mais ce n’est que dans une saison et pendant peu de jours.

    avec la bouche, les engraissent de millet en moins de quinze jours pour les porter ensuite à Paris ; qu’ils engraissent de même les ramereaux ; qu’ils y portent aussi des pigeons bisets et d’autres pigeons qu’ils appellent des postes ; que ces derniers sont, selon eux, des pigeons de colombier devenus fuyards ou vagabonds, qui nichent tantôt dans un endroit et tantôt dans un autre, dans les églises, dans des tours, dans des murailles de vieux châteaux ou dans des rochers. » Ornithol., p. 162. — Ce fait prouve que les ramiers, ainsi que tous les pigeons et tourterelles, peuvent être élevés comme les autres oiseaux domestiques, et que par conséquent ils peuvent avoir donné naissance aux plus belles variétés et aux plus grandes races de nos pigeons de volière. M. Leroy, lieutenant des chasses et inspecteur du parc de Versailles, m’a aussi assuré que les ramereaux pris au nid s’apprivoisent et s’engraissent très bien, et que même de vieux ramiers pris au filet s’accoutument aisément à vivre dans des volières, où l’on peut, en les soufflant, leur faire prendre graisse en fort peu de temps.

  1. Voyez Frisch, à l’article du Ringel-taube, planche cxxxviii.
  2. Aristote, Hist. animal., lib. vi, cap. iv.