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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/614

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OISEAUX ÉTRANGERS
QUI ONT RAPPORT AUX CHOUCAS

I.LE CHOUCAS MOUSTACHE[1].

Cet oiseau[NdÉ 1], qui se trouve au cap de Bonne-Espérance, est à peu près de la grosseur du merle ; il a le plumage noir et changeant des choucas, et la queue plus longue à proportion qu’aucun d’entre eux ; toutes les pennes qui la composent sont égales, et les ailes étant pliées n’atteignent qu’à la moitié de sa longueur. Ce sont les quatrième et cinquième pennes de l’aile qui sont les plus longues de toutes ; elles ont deux pouces et demi de plus que la première.

Il y a deux choses à remarquer dans l’extérieur de cet oiseau : 1o ces poils noirs, longs et flexibles, qui naissent de la base du bec supérieur, et qui sont une fois plus longs que le bec, outre plusieurs autres poils plus courts, plus raides et dirigés en avant qui environnent cette même base jusqu’aux coins de la bouche ; 2o ces plumes longues et étroites de la partie supérieure du cou, lesquelles glissent et jouent sur le dos, suivant que le cou prend différentes situations, et qui forment à l’oiseau une espèce de crinière.

  1. C’est le choucas du cap de Bonne-Espérance de M. Brisson, t. II, p. 33.

    beaux, ils font main basse sur tout ce qui se mange ; en été, ils recherchent surtout les cerises sauvages des hautes montagnes. Ils avalent les mollusques terrestres et les mollusques d’eau avec la coquille (dans le gésier de l’un d’eux on a trouvé treize mollusques terrestres, des hélix pour la plupart auxquels il ne manquait rien), et dans la saison la plus stérile ils se contentent des boutons des arbres et des aiguilles des sapins. Ils sont aussi avides de chair putréfiée que les corbeaux ordinaires, et ils poursuivent parfois les animaux vivants comme de vrais carnassiers. Nous vîmes un exemple de cette rapacité dans une chasse à laquelle nous avons assisté en décembre 1853, et qui avait lieu sur le Sentis. À la première détonation du fusil, une troupe de chocards, dont nous n’avions pas vu trace auparavant, se rassemblèrent aussitôt et, s’élançant à la poursuite du lièvre que nous venions de tirer, ils ne l’abandonnèrent que quand il eut disparu. Sur cette même montagne, un chasseur qui venait de tuer un chamois voulut, pour s’emparer de sa proie, escalader un rocher d’un accès très difficile ; il ne put achever son entreprise, le pied lui manqua et il roula dans l’abîme. Longtemps la présence continuelle d’un vol de chocards au-dessus du précipice qui l’avait englouti marqua le lieu de sa chute et son cadavre ne cessa de leur fournir un festin que lorsqu’il fut entièrement dépouillé. Ils ne se partagent pas le butin en paix ; ils s’arrachent les bouchées, et leur vie est une dispute continuelle ; toutefois, leur sociabilité n’est pas fondée uniquement sur l’égoïsme ; quand l’un d’eux a été tué, toute la troupe se réunit autour de lui en poussant des gémissements lamentables. »

  1. Corvus hottentotus L. [Note de Wikisource : actuellement Dicrurus hottentotus Linnæus, vulgairement drongo à crinière ; les drongos ne sont pas des corvidés, mais y sont étroitement apparentés].