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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/619

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de l’homme ; elle devient bientôt familière dans la maison, et finit par se rendre la maîtresse : j’en connais une qui passe les jours et les nuits au milieu d’une troupe de chats, et qui sait leur en imposer.

Elle jase à peu près comme la corneille, et apprend aussi à contrefaire la voix des autres animaux et la parole de l’homme. On en cite une qui imitait parfaitement les cris du veau, du chevreau, de la brebis, et même le flageolet du berger ; une autre qui répétait en entier une fanfare de trompettes[1]. M. Willughby en a vu plusieurs qui prononçaient des phrases entières[2]. Margot est le nom qu’on a coutume de lui donner, parce que c’est celui qu’elle prononce le plus volontiers ou le plus facilement, et Pline assure que cet oiseau se plaît beaucoup à ce genre d’imitation, qu’il s’attache à bien articuler les mots qu’il a appris, qu’il cherche longtemps ceux qui lui ont échappé, qu’il fait éclater sa joie lorsqu’il les a retrouvés, et qu’il se laisse quelquefois mourir de dépit lorsque sa recherche est vaine, ou que sa langue se refuse à la prononciation de quelque mot nouveau[3].

La pie a le plus souvent la langue noire comme le corbeau ; elle monte sur le dos des cochons et des brebis, comme font les choucas, et court après la vermine de ces animaux, avec cette différence que le cochon reçoit ce service avec complaisance, au lieu que la brebis, sans doute plus sensible, paraît le redouter[4]. Elle happe aussi fort adroitement les mouches et autres insectes ailés qui volent à sa portée.

Enfin, on prend la pie dans les mêmes pièges et de la même manière que la corneille, et l’on a reconnu en elle les mêmes mauvaises habitudes, celles de voler et de faire des provisions[5], habitudes presque toujours insépables dans les différentes espèces d’animaux. On croit aussi qu’elle annonce la pluie lorsqu’elle jase plus qu’à l’ordinaire[6]. D’un autre côté, elle s’éloigne du genre des corbeaux et des corneilles par un assez grand nombre de différences.

Elle est beaucoup plus petite, et même plus que le choucas, et ne pèse que huit à neuf onces ; elle a les ailes plus courtes et la queue plus longue à

  1. Plutarque raconte qu’une pie qui se plaisait à imiter d’elle-même la parole de l’homme, le cri des animaux et le son des instruments, ayant un jour entendu une fanfare de trompettes, devint muette subitement, ce qui surprit fort ceux qui avaient coutume de l’entendre babiller sans cesse ; mais ils furent bien plus surpris quelque temps après, lorsqu’elle rompit tout à coup le silence, non pour répéter sa leçon ordinaire, mais pour imiter le son des trompettes qu’elle avait entendues, avec les mêmes tournures de chant, les mêmes modulations et dans le même mouvement. Opusc. de Plutarque. Quels animaux sont les plus avisés ?
  2. Willughby, Ornithologia, p. 87.
  3. Voyez Histor. nat., lib. x, cap. xlii.
  4. Salerne, Hist. nat. des oiseaux, p. 94.
  5. Je m’en suis assuré par moi-même en répandant devant une pie apprivoisée des pièces de monnaie et de petits morceaux de verre. J’ai même reconnu qu’elle cachait son vol avec un si grand soin, qu’il était quelquefois difficile de le trouver, par exemple sous un lit, entre les sangles et le sommier de ce lit.
  6. Aldrovande, Ornitholog., p. 781.