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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/632

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les mouvements brusques, et dans leurs fréquents accès de colère ils s’emportent et oublient le soin de leur propre conservation au point de se prendre quelquefois la tête entre deux branches, et ils meurent ainsi suspendus en l’air[1]. Leur agitation perpétuelle prend encore un nouveau degré de violence lorsqu’ils se sentent gênés, et c’est la raison pourquoi ils deviennent tout à fait méconnaissables en cage, ne pouvant y conserver la beauté de leurs plumes, qui sont bientôt cassées, usées, déchirées, flétries par un frottement continuel.

Leur cri ordinaire est très désagréable et ils le font entendre souvent ; ils ont aussi de la disposition à contrefaire celui de plusieurs oiseaux qui ne chantent pas mieux, tels que la cresserelle, le chat-huant, etc.[2]. S’ils aperçoivent dans le bois un renard ou quelque autre animal de rapine, ils jettent un certain cri très perçant, comme pour s’appeler les uns les autres, et on les voit en peu de temps rassemblés en force et se croyant en état d’en imposer par le nombre ou du moins par le bruit[3]. Cet instinct qu’ont les geais de se rappeler, de se réunir à la voix de l’un d’eux, et leur violente antipathie contre la chouette, offrent plus d’un moyen pour les attirer dans les pièges[4], et il ne se passe guère de pipée sans qu’on n’en prenne plusieurs ; car, étant plus pétulants que la pie, il s’en faut bien qu’ils soient aussi défiants et aussi rusés ; ils n’ont pas non plus le cri naturel si varié, quoiqu’ils paraissent n’avoir pas moins de flexibilité dans le gosier ni moins de disposition à imiter tous les sons, tous les bruits, tous les cris d’animaux qu’ils entendent habituellement, et même la parole humaine. Le mot richard est celui, dit-on, qu’ils articulent le plus facilement. Ils ont aussi, comme la pie et toute la famille des choucas, des corneilles et des corbeaux, l’habitude d’enfouir leurs provisions superflues[5] et celle de dérober tout ce qu’ils peuvent emporter ; mais ils ne se souviennent pas toujours de l’endroit où ils ont enterré leur trésor, ou bien, selon l’instinct commun à tous les avares, ils sentent plus la crainte de le diminuer que le désir d’en faire usage ; en sorte qu’au printemps suivant les glands et les noisettes qu’ils avaient cachées et peut-être oubliées, venant à germer en terre et à pousser des feuilles au dehors, décèlent ces amas inutiles et les indiquent, quoique un peu tard, à qui en saura mieux jouir.

Les geais nichent dans les bois et loin des lieux habités, préférant les chênes les plus touffus et ceux donc le tronc est entouré de lierre[6] ; mais

  1. Voyez Gesner, De Avibus, p. 702. Cet instinct rend croyables ces batailles que l’on dit s’être données entre des armées de geais et de pies. Voyez Belon, p. 290.
  2. Frisch, planche 55.
  3. Frisch, planche 55.
  4. Belon prétend que c’est un grand déduit de le voir voler aux oiseaux de fauconnerie, et aussi de le voir prendre à la passée.
  5. Belon, Nature des oiseaux, p. 290.
  6. Olina, Uccellaria, p. 35.