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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/634

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manger, ils posent tous les autres œillets et n’en gardent qu’un seul dans leur bec ; s’ils ne le tiennent pas d’une manière avantageuse, ils savent fort bien le poser pour le reprendre mieux ; ensuite ils le saisissent sous le pied droit, et à coups de bec ils emportent en détail d’abord les pétales de la fleur, puis l’enveloppe du calice, ayant toujours l’œil au guet et regardant de tous côtés ; enfin, lorsque la graine est à découvert, ils la mangent avidement et se mettent tout de suite à éplucher un second œillet.

On trouve cet oiseau en Suède, en Écosse, en Angleterre, en Allemagne, en Italie, et je ne crois pas qu’il soit étranger à aucune contrée de l’Europe, ni même à aucune des contrées correspondantes de l’Asie.

Pline parle d’une race de geai, ou de pie à cinq doigts, laquelle apprenait mieux à parler que les autres[1] : cette race n’a rien de plus extraordinaire que celle des poules à cinq doigts, qui est connue de tout le monde, d’autant plus que les geais deviennent encore plus familiers, plus domestiques que les poules ; et l’on sait que les animaux qui vivent le plus avec l’homme sont aussi les mieux nourris, conséquemment qu’ils abondent le plus en molécules organiques superflues et qu’ils sont plus sujets à ces sortes de monstruosités par excès. C’en serait une que les phalanges des doigts multipliées dans quelques individus au delà du nombre ordinaire, ce qu’on a attribué trop généralement à toute l’espèce[2].

Mais une autre variété plus généralement connue dans l’espèce du geai, c’est le geai blanc : il a la marque bleue aux ailes[3] et ne diffère du geai ordinaire que par la blancheur presque universelle de son plumage, laquelle s’étend jusqu’au bec et aux ongles, et par ses yeux rouges, tels qu’en ont tant d’autres animaux blancs. Au reste, il ne faut pas croire que la blancheur de son plumage soit bien pure : elle est souvent altérée par une teinte jaunâtre plus ou moins foncée. Dans un individu que j’ai observé, les couvertures, qui bordent les ailes pliées, étaient ce qu’il y avait de plus blanc ; ce même individu me parut aussi avoir les pieds plus menus que le geai ordinaire.


  1. « Addiscere alias (picas) negant posse quam quæ ex genere earum sunt quæ glande vescuntur, et inter eas faciliùs quibus quini sunt digiti in pedibus. » Lib. x, cap. xlii.
  2. « Digiti pedum multis articulis flectuntur. » Aldrovande. Ornitholog., t. Ier, p. 788.
  3. Voyez Gerini, Storia degli Uccelli, t. II, planche 162.