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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/647

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en y regardant d’un peu plus près, on jugera tout aussi sûrement qu’il n’est ni une pie ni un geai, quoiqu’il jase sans cesse comme ces oiseaux[1].

En effet, il a la physionomie et le port très différents, le bec moins gros, les pieds beaucoup plus courts à proportion, plus courts même que le doigt du milieu, les ailes plus longues et la queue faite tout autrement, les deux pennes extérieures dépassant de plus d’un demi-pouce (au moins dans quelques individus) les dix pennes intermédiaires qui sont toutes égales entre elles. Il a de plus une espèce de verrue derrière l’œil, et l’œil lui-même entouré d’un cercle de peau jaune et sans plumes[2].

Enfin, pour que la dénomination de geai de Strasbourg fût vicieuse à tous égards, il fallait que cet oiseau ne fût rien moins que commun dans les environs de Strasbourg ; et c’est ce qui m’est assuré positivement par M. Hermann, professeur de médecine et d’histoire naturelle en cette ville : « Les rolliers y sont si rares, m’écrivait ce savant, qu’à peine il s’y en égare trois ou quatre en vingt ans. » Celui qui fut autrefois envoyé de Strasbourg à Gesner était sans doute un de ces égarés ; et Gesner qui n’en savait rien, et qui crut apparemment qu’il y était commun, le nomma geai de Strasbourg, quoique, encore une fois, il ne fût point un geai et qu’il ne fût point de Strasbourg.

D’ailleurs, c’est un oiseau de passage, dont les migrations se font régulièrement chaque année dans les mois de mai et de septembre[3], et malgré cela il est moins commun que la pie et le geai. Je vois qu’il se trouve en Suède[4] et en Afrique[5], mais il s’en faut bien qu’il se répande, même en passant, dans toutes les régions intermédiaires ; il est inconnu dans plusieurs districts considérables de l’Allemagne[6], de la France, de la Suisse[7], etc., d’où l’on peut conclure qu’il parcourt dans sa route une zone assez étroite, depuis la Smalande et la Scanie jusqu’en Afrique ; il y a même assez de points donnés dans cette zone pour qu’on puisse en déterminer la direction sans beaucoup d’erreur par la Saxe, la Franconie, la Souabe, la Bavière, le Tyrol, l’Italie[8], la Sicile[9], et enfin par l’île de Malte[10], laquelle est comme un entrepôt général pour la plupart des oiseaux voyageurs qui tra-

  1. Aldrovande, Ornitholog., t. Ier, p. 790.
  2. Voyez Edwards, p. 109. M. Brisson n’a parlé ni de cette verrue, ni de la forme singulière de la queue.
  3. Voyez l’extrait d’une lettre de M. le commandeur Godeheu de Riville, sur le passage des oiseaux, t. III des Mémoires présentés à l’Académie royale des Sciences de Paris, p. 82.
  4. Fauna suecica, no 73.
  5. Shaw’s Travels, etc., p. 251.
  6. Frisch, planche 57.
  7. « Capta apud nos anno 1561, augusti medio, nec agnita. » Gesner, De Avibus, p. 703.
  8. « Memini hanc videre aliquando Bononiæ. » Gesner, p. 703.
  9. « Vidimus venales in ornithopolarum tabernis Messanæ Siciliæ. » Willughby, Ornitholog., p. 89.
  10. « Vidimus Melitæ in foro venales. » Willughby, ibid. Voyez aussi la lettre de M. le commandeur Godeheu, citée plus haut.