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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/648

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versent la Méditerranée. Celui qu’a décrit M. Edwards avait été tué sur les rochers de Gibraltar, où il avait pu passer des côtes d’Afrique, car ces oiseaux ont le vol fort élevé[1]. On en voit aussi, quoique rarement, aux environs de Strasbourg, comme nous avons dit plus haut, de même qu’en Lorraine et dans le cœur de la France[2] ; mais ce sont apparemment des jeunes qui quittent le gros de la troupe et s’égarent en chemin.

Le rollier est aussi plus sauvage que le geai et la pie ; il se tient dans les bois les moins fréquentés et les plus épais, et je ne sache pas qu’on ait jamais réussi à le priver et à lui apprendre à parler[3] ; cependant la beauté de son plumage est un sûr garant des tentatives qu’on aura faites pour cela : c’est un assemblage des plus belles nuances de bleu et de vert, mêlées avec du blanc, et relevées par l’opposition de couleurs plus obscures[4] ; mais une figure bien enluminée donnera une idée plus juste de la distribution de ces couleurs que toutes les descriptions : seulement il faut savoir que les jeunes ne prennent leur bel azur que dans la seconde année, au contraire des geais qui ont leurs belles plumes bleues avant de sortir du nid.

Les rolliers nichent, autant qu’ils peuvent, sur les bouleaux, et ce n’est qu’à leur défaut qu’ils s’établissent sur d’autres arbres[5] ; mais dans les pays où les arbres sont rares, comme dans l’île de Malte et en Afrique, on dit qu’ils font leur nid dans la terre[6] : si cela est vrai, il faut avouer que l’instinct des animaux, qui dépend principalement de leurs facultés, tant internes qu’externes, est quelquefois modifié notablement par les circonstances, et produit des actions bien différentes, selon la diversité des lieux, des temps et des matériaux que l’animal est forcé d’employer.

Klein dit que, contre l’ordinaire des oiseaux, les petits du rollier font leurs

  1. Gesner, De Avibus, p. 702.
  2. Ornithologie de Brisson, t. II, p. 68. M. Lottinger m’apprend qu’en Lorraine ces oiseaux passent encore plus rarement que les casse-noix, et en moindre quantité ; il ajoute qu’on ne les voit jamais qu’en automne, non plus que les casse-noix, et qu’en 1771 il en fut blessé un aux environs de Sarrebourg, lequel, tout blessé qu’il était, vécut encore treize à quatorze jours sans manger.
  3. « Sylvestris plane et immansueta. » Schwenckfeld, p. 243.
  4. M. Linnæus est le seul qui dise qu’il a le dos couleur de sang. Fauna suecica, no 73. Le sujet qu’il a décrit aurait-il été différent de tous ceux qui ont été décrits par les autres naturalistes ?
  5. Frisch, planche 57.
  6. « Un chasseur, dit M. Godeheu, dans la lettre que j’ai déjà citée, m’a assuré que dans le mois de juin il avait vu sortir un de ces oiseaux d’une butte de terre où il y avait un trou de la grosseur du poing, et qu’ayant creusé dans cet endroit en suivant le fil du trou, qui allait horizontalement, il trouva, à un pied de profondeur ou environ, un nid fait de paille et de broussailles, dans lequel il y avait deux œufs. » Ce témoignage de chasseur, qui serait suspect s’il était unique, semble confirmé par celui du docteur Shaw qui, parlant de cet oiseau, connu en Afrique sous le nom de shaga-rag, dit qu’il fait son nid dans les berges des lits des rivières. Malgré tout cela, je crains fort qu’il n’y ait ici quelque méprise, et que l’on n’ait pris le martin-pêcheur pour le rollier, à cause de la ressemblance des couleurs.