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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/659

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fois mettre obstacle à la vitesse du vol et nuire à sa direction, pour peu que le vent soit contraire : aussi a-t-on remarqué que les oiseaux de Paradis cherchent à se mettre à l’abri des grands vents[1], et choisissent pour leur séjour ordinaire les contrées qui y sont le moins exposées.

Ces plumes sont au nombre de quarante ou cinquante de chaque côté, et de longueurs inégales ; la plus grande partie passe sous la véritable queue, et d’autres passent par-dessus sans la cacher, parce que leurs barbes effilées et séparées composent, par leurs entrelacements divers, un tissu à larges mailles, et pour ainsi dire transparent ; effet très difficile à bien rendre dans une enluminure.

On fait grand cas de ces plumes dans les Indes, et elles y sont fort recherchées : il n’y a guère qu’un siècle qu’on les employait aussi, en Europe, aux mêmes usages que celles d’autruche, et il faut convenir qu’elles sont très propres, soit par leur légèreté, soit par leur éclat, à l’ornement et à la parure ; mais les prêtres du pays leur attribuent je ne sais quelles vertus miraculeuses qui leur donnent un nouveau prix aux yeux du vulgaire, et qui ont valu à l’oiseau auquel elles appartiennent le nom d’oiseau de Dieu.

Ce qu’il y a de plus remarquable après cela dans l’oiseau de Paradis, ce sont les deux longs filets qui naissent au-dessus de la queue véritable, et qui s’étendent plus d’un pied au delà de la fausse queue formée par les plumes subalaires. Ces filets ne sont effectivement des filets que dans leur partie intermédiaire : encore cette partie elle-même est-elle garnie de petites barbes très courtes, ou plutôt de naissances de barbes, au lieu que ces mêmes filets sont revêtus, vers leur origine et vers leur extrémité, de barbes d’une longueur ordinaire. Celles de l’extrémité sont plus courtes dans la femelle, et c’est, suivant M. Brisson, la seule différence qui la distingue du mâle[2].

La tête et la gorge sont couvertes d’une espèce de velours formé par de petites plumes droites, courtes, fermes et serrées ; celles de la poitrine et du dos sont plus longues, mais toujours soyeuses et douces au toucher. Toutes ces plumes sont de diverses couleurs, comme on le voit dans la figure[NdÉ 1], et ces couleurs sont changeantes et donnent différents reflets, selon les différentes incidences de la lumière : ce que la figure ne peut exprimer.

La tête est fort petite à proportion du corps ; les yeux sont encore plus petits et placés très près de l’ouverture du bec, lequel devrait être plus long et plus arqué dans la planche enluminée : enfin, Clusius assure qu’il n’y a que dix pennes à la queue, mais sans doute il ne les avait pas comptées sur

  1. Les îles d’Arou sont divisées en cinq îles : il n’y a que celles du milieu où l’on trouve ces oiseaux ; ils ne paraissent jamais dans les autres, parce qu’étant d’une nature très faible, ils ne peuvent pas supporter les grands vents. Helbigius, loco citato.
  2. Ornithologie, t. II, p. 135. Les habitants du pays disent que les femelles sont plus petites que les mâles, selon J. Otton Helbigius.
  1. Buffon fait allusion à ses planches enluminées.