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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/660

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un sujet vivant, et il est douteux que ceux qui nous viennent de si loin aient le nombre de leurs plumes bien complet, d’autant que cette espèce est sujette à une mue considérable et qui dure plusieurs mois chaque année. Ils se cachent pendant ce temps-là, qui est la saison des pluies pour le pays qu’ils habitent ; mais au commencement du mois d’août, c’est-à-dire après la ponte, leurs plumes reviennent, et pendant les mois de septembre et d’octobre, qui sont un temps calme, ils vont par troupes comme font les étourneaux en Europe[1].

Ce bel oiseau n’est pas fort répandu : on ne le trouve guère que dans la partie de l’Asie où croissent les épiceries, et particulièrement dans les îles d’Arou ; il n’est point inconnu dans la partie de la Nouvelle-Guinée qui est voisine de ces îles, puisqu’il y a un nom ; mais ce nom même, qui est burung-arou, semble porter l’empreinte du pays originaire.

L’attachement exclusif de l’oiseau de Paradis pour les contrées où croissent les épiceries donne lieu de croire qu’il rencontre sur ces arbres aromatiques la nourriture qui lui convient le mieux[2] ; du moins est-il certain qu’il ne vit pas uniquement de la rosée. J. Otton Helbigius, qui a voyagé aux Indes, nous apprend qu’il se nourrit de baies rouges que produit un arbre fort élevé ; Linnæus dit qu’il fait sa proie des grands papillons[3], et Bontius qu’il donne quelquefois la chasse aux petits oiseaux et les mange[4]. Les bois sont sa demeure ordinaire ; il se perche sur les arbres, où les Indiens l’attendent cachés dans des huttes légères qu’ils savent attacher aux branches, et d’où ils le tirent avec leurs flèches de roseau[5]. Son vol ressemble à celui de l’hirondelle, ce qui lui a fait donner le nom d’hirondelle de Ternate[6] ; d’autres disent qu’il a en effet la forme de l’hirondelle, mais qu’il a le vol plus élevé, et qu’on le voit toujours au haut de l’air[7].

Quoique Marcgrave place la description de cet oiseau parmi les descriptions des oiseaux du Brésil[8], on ne doit point croire qu’il existe en Amérique, à moins que les vaisseaux européens ne l’y aient transporté ; et je fonde mon assertion non seulement sur ce que Marcgrave n’indique point

  1. J. Helbigius, dans la Collection académique, partie étrangère, t. III, p. 448.
  2. Tavernier remarque que l’oiseau de Paradis est en effet très friand de noix muscades, qu’il ne manque pas de venir s’en rassasier dans la saison ; qu’il en passe des troupes comme nous voyons des volées de grives pendant les vendanges, et que cette noix, qui est forte, les enivre et les fait tomber. Voyage des Indes, t. III, p. 369.
  3. Systema Naturæ, édit. X, p. 110.
  4. Bontius, Historia nat. et medic. Indiæ orient., lib. v, cap. xii.
  5. Il y en a qui leur ouvrent le ventre avec un couteau dès qu’ils sont tombés à terre, et ayant enlevé les entrailles avec une partie de la chair, ils introduisent dans la cavité un fer rouge, après quoi on les fait sécher à la cheminée, et on les vend à vil prix à des marchands. J. Helbigius, loco citato.
  6. Voyez Bontius, loco citato.
  7. Navigations aux terres australes, t. II, p. 252.
  8. Historia naturalis Brasiliæ, p. 219.