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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/665

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LE MANUCODE

Le manucode[NdÉ 1], que je nomme ainsi d’après son nom indien ou plutôt superstitieux, manucodiata, qui signifie oiseau de Dieu, est appelé communément le roi des oiseaux de Paradis ; mais c’est par un préjugé qui tient aux fables dont on a chargé l’histoire de cet oiseau. Les marins dont Clusius tira ses principales informations avaient ouï dire dans le pays que chacune des deux espèces d’oiseaux de Paradis avait son roi, à qui tous les autres paraissaient obéir avec beaucoup de soumission et de fidélité ; que ce roi volait toujours au-dessus de la troupe et planait sur ses sujets ; que de là il leur donnait ses ordres pour aller reconnaître les fontaines où on pouvait aller boire sans danger, pour en faire l’épreuve sur eux-mêmes, etc.[1] ; et cette fable, conservée par Clusius, quoique non moins absurde qu’aucune autre, était la seule chose qui consolât Nieremberg de toutes celles dont Clusius avait purgé l’histoire des oiseaux de Paradis[2] : ce qui, pour le dire en passant, doit fixer le degré de confiance que nous pouvons avoir en la critique de ce compilateur. Quoi qu’il en soit, ce prétendu roi a plusieurs traits de ressemblance avec l’oiseau de Paradis et il s’en distingue aussi par plusieurs différences.

Il a, comme lui, la tête petite et couverte d’une espèce de velours ; les yeux encore plus petits, situés au-dessus de l’angle de l’ouverture du bec ; les pieds assez longs et assez forts ; les couleurs du plumage changeantes ; deux filets à la queue à peu près semblables, excepté qu’ils sont plus courts, que leur extrémité, qui est garnie de barbes, fait la boucle en se roulant sur elle-même, et qu’elle est ornée de miroirs semblables en petit à ceux du paon[3]. Il a aussi sous l’aile, de chaque côté, un paquet de sept ou huit plumes plus longues que dans la plupart des oiseaux, mais moins longues et d’une autre forme que dans l’oiseau de Paradis, puisqu’elles sont garnies dans toute leur longueur de barbes adhérentes entre elles. On a disposé la

  1. Voyez Clusius, Exotic., in Auctuario, p. 359. Cela a rapport à la manière dont les Indiens se rendent quelquefois maîtres de toute une volée de ces oiseaux, en empoisonnant les fontaines où ils vont boire.
  2. Voyez Nieremberg, p. 212.
  3. Collection académique, t. III, partie étrangère, p. 449.
  1. Cincinnurus regius (Paradisæa regia L.) [Note de Wikisource : actuellement Cicinnurus regius Linnæus, vulgairement paradisier royal]. — « Le Manucode royal n’a que la taille de la Grive. Le mâle a le dos rouge rubis, le front et le sommet de la tête orange, la gorge jaune, le ventre d’un blanc grisâtre ; l’œil surmonté d’une petite tache noire ; la poitrine traversée par une bande verte, à éclat métallique ; les plumes des côtés sont grises, marquées de deux bandes transversales, une blanche et une rouge, et d’un vert émeraude à leur extrémité. La femelle a le dos rouge brun, le ventre d’un jaune rouille, rayé de brun. Le bec est brun foncé, les ailes jaune d’or, les pattes bleu clair. » (Brehm.)