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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/692

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Catesby assure qu’ils font leur ponte, dans la Caroline et la Virginie, toujours parmi les joncs. Ils savent en entrelacer les pointes pour faire une espèce de comble ou d’abri sous lequel ils établissent leur nid, à une hauteur si juste et si bien mesurée, qu’il se trouve toujours au-dessus des marées les plus hautes. Cette construction de nid est bien différente de celle de notre premier troupiale, et annonce un instinct, une organisation, et par conséquent une espèce différente.

Fernandez prétend qu’ils nichent sur les arbres, à portée des lieux habités : cette espèce aurait-elle des usages différents selon les différents pays où elle se trouve ?

Les commandeurs ne paraissent à la Louisiane que l’hiver, mais en si grand nombre, qu’on en prend quelquefois trois cents d’un seul coup de filet. On se sert pour cette chasse d’un filet de soie très long et très étroit, en deux parties, comme le filet d’alouette. « Lorsqu’on veut le tendre, dit M. Lepage Duprats, on va nettoyer un endroit près du bois, on fait une espèce de sentier dont la terre soit bien battue, bien unie ; on tend les deux parties du filet des deux côtés du sentier, sur lequel on fait une traînée de riz ou d’autre graine, et l’on va de là se mettre en embuscade derrière une broussaille où répond la corde du tirage ; quand les volées de commandeurs passent au-dessus, leur vue perçante découvre l’appât : fondre dessus et se trouver pris n’est l’affaire que d’un instant ; on est contraint de les assommer, sans quoi il serait impossible d’en ramasser un si grand nombre[1]. » Au reste, on ne leur fait la guerre que comme à des oiseaux nuisibles, car, quoiqu’ils prennent quelquefois beaucoup de graisse, dans aucun cas leur chair n’est un bon manger : nouveau trait de conformité avec nos étourneaux d’Europe.

J’ai vu chez M. l’abbé Aubri une variété de cette espèce, qui avait la tête et le haut du cou d’un fauve clair : tout le reste du plumage était à l’ordinaire. Cette première variété semble indiquer que l’oiseau représenté dans nos planches enluminées, no 343, sous le nom de carouge de Cayenne, en est une seconde, laquelle ne diffère de la première que par la privation des marques rouges des ailes ; car elle a tout le reste du plumage de même : à peu près même grosseur, mêmes proportions ; et la différence des climats n’est pas si grande qu’on ne puisse aisément supposer que le même oiseau peut s’habituer également dans tous les deux.

Il ne faut que jeter un coup d’œil de comparaison sur les planches enluminées, no 402 et no 236, fig. 2, pour se persuader que l’oiseau représenté dans cette dernière, sous le nom de troupiale de Cayenne, n’est qu’une seconde variété de l’espèce représentée, no 402, sous le nom de troupiale à ailes rouges de la Louisiane, qui est notre commandeur : c’est à peu près

  1. Lepage Duprats, Histoire de la Louisiane, t. II, p. 134.