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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/701

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des différences trop caractérisées pour appartenir, même de loin, à l’espèce de l’yapou : c’est la pie de Perse d’Aldrovande[1] ; ce naturaliste ne l’a décrite que d’après un dessin qui lui avait été envoyé de Venise ; il la juge de la grosseur de notre pie ; sa couleur dominante n’est pas le noir, elle est seulement rembrunie (subfuscum) : elle a le bec fort épais, un peu court (breviusculum) et blanchâtre, les yeux blancs et les ongles petits ; tandis que notre yapou n’est guère plus gros que le merle, que tout ce qui est noir dans son plumage est d’un noir décidé, que son bec est assez long et de couleur de soufre, l’iris de ses yeux couleur de saphir, et ses ongles assez forts, selon M. Edwards, et même bien forts et crochus, selon Belon. On ne peut guère douter que des oiseaux si différents n’appartiennent à des espèces différentes, surtout si celui d’Aldrovande était réellement originaire de Perse, comme on le lui avait dit, car l’yapou est certainement d’Amérique.

Les couleurs principales de ce dernier sont constamment le noir et le jaune, mais la distribution de ces couleurs n’est pas la même dans tous les individus observés : par exemple, dans celui que nous avons fait dessiner, tout est noir, excepté le bec et l’iris des yeux, comme nous venons de le dire, et encore les grandes couvertures des ailes les plus voisines du corps, qui sont jaunes, ainsi que toute la partie supérieure du corps, tant dessus que dessous, depuis et compris les cuisses jusque et par delà la moitié de la queue.

Dans un autre individu venant de Cayenne, qui est au cabinet du Roi, et qui est plus gros que le précédent, il y a moins de jaune sur les ailes, et point du tout au bas de la jambe : enfin les pieds paraissent plus forts à proportion : ce peut être le mâle.

Dans la pie noire et jaune de M. Edwards, qui est évidemment le même oiseau que le nôtre, il y a sur quatre ou cinq des couvertures jaunes des ailes une tache noire près de leur extrémité : outre cela, le noir du plumage a des reflets couleur de pourpre, et l’oiseau paraît être un peu plus gros.

Dans l’yapou ou le jupujuba de Marcgrave[2], la queue n’est mi-partie de noir et de jaune que par-dessous, car sa face supérieure est toute noire, excepté la penne la plus extérieure de chaque côté, qui est jaune jusqu’à la moitié de sa longueur.

Il suit de toutes ces diversités que les couleurs du plumage ne sont rien moins que fixes et constantes dans cette espèce, et c’est ce qui me ferait pencher à croire avec Marcgrave que l’oiseau appelé par M. Brisson cassique rouge est encore une variété dans cette espèce[3] : j’en dirai les raisons plus bas[NdÉ 1].

  1. Tome Ier, p. 793.
  2. Historia Brasiliæ, p. 193.
  3. « Vidi quoque totaliter nigras, dorso sanguinei coloris. » Marcgrave, loco citato.
  1. Le Cassique est un des plus curieux oiseaux de l’Amérique du Sud dont il habite les grands bois, ne s’approchant que des habitations voisines des forêts. Il vit toujours en bandes nombreuses, et l’on trouve leurs nids réunis en très grand nombre sur les Tillandsia.