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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/711

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nations différentes[1], sans avertir que c’était le même oiseau que le chlorion. Quoi qu’il en soit, le loriot est un oiseau très peu sédentaire, qui change continuellement de contrées et semble ne s’arrêter dans les nôtres que pour faire l’amour, ou plutôt pour accomplir la loi imposée par la nature à tous les êtres vivants de transmettre à une génération nouvelle l’existence qu’ils ont reçue d’une génération précédente, car l’amour n’est que cela dans la langue des naturalistes. Les loriots suivent cette loi avec beaucoup de zèle et de fidélité. Dans nos climats, c’est vers le milieu du printemps que le mâle et la femelle se recherchent, c’est-à-dire presque à leur arrivée. Ils font leur nid sur des arbres élevés, quoique souvent à une hauteur fort médiocre ; ils le façonnent avec une singulière industrie et bien différemment de ce que font les merles, quoiqu’on ait placé ces deux espèces dans le même genre. Ils l’attachent ordinairement à la bifurcation d’une petite branche, et ils enlacent autour des deux rameaux qui forment cette bifurcation de longs brins de paille ou de chanvre, dont les uns, allant droit d’un rameau à l’autre, forment le bord du nid par devant, et les autres, pénétrant dans le tissu du nid ou passant par-dessous et revenant se rouler sur le rameau opposé, donnent la solidité à l’ouvrage. Ces longs brins de chanvre ou de paille qui prennent le nid par-dessous en sont l’enveloppe extérieure ; le matelas intérieur, destiné à recevoir les œufs, est tissu de petites tiges de gramen, dont les épis sont ramenés sur la partie convexe et paraissent si peu dans la partie concave qu’on a pris plus d’une fois ces tiges pour des fibres de racines ; enfin, entre le matelas intérieur et l’enveloppe extérieure il y a une quantité assez considérable de mousse, de lichen et d’autres matières semblables qui servent, pour ainsi dire, d’ouate intermédiaire et rendent le nid plus impénétrable au dehors, et tout à la fois plus mollet au dedans. Ce nid étant ainsi préparé, la femelle y dépose quatre ou cinq œufs, dont le fond blanc sale est semé de quelques petites taches bien tranchées d’un brun presque noir et plus fréquentes sur le gros bout que partout ailleurs ; elle les couve avec assiduité l’espace d’environ trois semaines, et lorsque les petits sont éclos, non seulement elle leur continue ses soins affectionnés pendant très longtemps[2], mais elle les défend contre leurs

  1. « Picorum aliquis suspendit in surculo (nidum) primis in ramis cyathi modo. » Plin., lib. x, cap. xxxiii. « Jam publicum quidem omnium est (galgulos) tabulata ramorum sustinendo nido providè eligere, camerâque ab imbri aut fronde protegere densâ. » Ibidem. — La construction du nid du picus et du galgulus, étant à peu près la même et fort ressemblante à celle du loriot, on en peut conclure que dans ces deux passages il s’agit de notre loriot sous deux noms différents ; mais que le galgulus soit le même oiseau que l’avis icterus et que l’ales luridus, c’est ce qui est démontré par les deux passages suivants. « Avis icterus vocatur a colore, quæ, si spectetur, sanari id malum (regium) tradunt, et avem mori ; hanc puto latinè vocari galgulum », lib. xxx, cap. xi. « Icterias (lapis) aliti lurido similis, ideo existimatur salubris contra regios morbos », lib. xxxvii, cap. x. D’ailleurs ce que Pline dit de son galgulus, lib. x, cap. xxv, « cum fœtum eduxere abeunt », convient tout à fait à notre loriot.
  2. « Les petits (loriots) suivent longtemps leurs père et mère, dit Belon, jusqu’à ce qu’ils aient bien appris à se pourchasser eux-mêmes. » Nature des Oiseaux, p. 293.