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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/93

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buzard et de l’orfraie, c’est la conformité des appétits, du naturel et même de la figure de ces oiseaux ; car, quoiqu’ils diffèrent beaucoup par la grandeur, l’orfraie étant de près d’une moitié plus grosse que le balbuzard, ils se ressemblent assez par les proportions, ayant tous deux les ailes et les jambes courtes en comparaison de la longueur du corps, le bas des jambes et les pieds dénués de plumes ; tous deux ont le vol moins élevé, moins rapide que les aigles ; tous deux pêchent beaucoup plus qu’ils ne chassent, et ne se tiennent que dans les lieux voisins des étangs et des eaux abondantes en poisson ; tous deux sont assez communs en France et dans les autres pays tempérés ; mais à la vérité l’orfraie, comme plus grande, ne pond que deux œufs, et le balbuzard en produit quatre[1] ; celui-ci a la peau qui recouvre la base du bec et les pieds ordinairement bleue ; au lieu que dans l’orfraie cette peau de la base du bec et les écailles du bas des jambes et des pieds sont ordinairement d’un jaune vif et foncé. Il y a aussi quelque div²aersité dans la distribution des couleurs sur le plumage ; mais toutes ces petites différences n’empêchent pas que ces oiseaux ne soient d’espèces assez voisines pour pouvoir se mêler ; et des raisons d’analogie me persuadent que le mélange est fécond, et que le balbuzard mâle produit, avec l’orfraie femelle, des orfraies ; mais que la femelle balbuzard, avec l’orfraie mâle, produit des balbuzards, et que ces bâtards, soit orfraies, soit balbuzards, tenant presque tout de la nature de leurs mères, ne conservent que quelques caractères de celle de leurs pères, par lesquels caractères ils diffèrent des orfraies ou balbuzards légitimes. Par exemple, on trouve quelquefois des balbuzards à pieds jaunes et des orfraies à pieds bleus, quoique communément le balbuzard les ait bleus et l’orfraie les ait jaunes. Cette variation de couleur peut provenir du mélange de ces deux espèces : de même on trouve des balbuzards, tels que celui qu’ont décrit MM. de l’Académie, qui sont beaucoup plus grands et plus gros que les autres ; et en même temps on voit des orfraies beaucoup moins grandes que les autres, et dont la petitesse ne peut être attribuée ni au sexe ni à l’âge, et ne peut dès lors provenir que du mélange d’une plus petite espèce, c’est-à-dire du balbuzard, avec l’orfraie[NdÉ 1].

  1. L’aigle de mer, dite orfraie, fait son nid sur les plus hauts chênes, et un nid extrêmement large, où elle ne pond que deux œufs fort gros, tout ronds et très pesants, d’un blanc sale. Il y a quelques années qu’on en trouva un dans le parc de Chambord : j’envoyai les deux œufs à M. de Réaumur ; mais on ne put détacher le nid. L’année dernière on en dénicha un nid à Saint-Laurent-des-Eaux, dans le bois de Briou, où il n’y avait qu’un aiglon, que le maître de poste du lieu a fait élever. On a tué à Bellegarde, dans la forêt d’Orléans, une orfraie qui pendant la nuit pêchait tous les plus gros brochets d’un étang qui appartenait ci-devant à M. le duc d’Antin. Une autre a été tuée depuis peu à Seneley en Sologne, dans le moment qu’elle emportait une grosse carpe en plein jour… Le faucon de marais (balbuzard) habite parmi les roseaux, le long des eaux ; il pond à chaque fois quatre œufs blancs, elliptiques ou ovalaires ; il se nourrit de poisson. Ornithologie de Salerne, p. 5 et 7.
  1. Les variations dont parle ici Buffon sont dues à l’âge et non à des hybridations qui sont fort rares entre espèces différentes d’oiseaux vivant à l’état sauvage.