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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/98

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assez rare partout ailleurs, puisque aucun des naturalistes d’Italie, d’Angleterre, d’Allemagne et du nord n’en a fait mention que d’après Belon ; et c’est par cette raison que j’ai cru devoir m’étendre sur les faits particuliers de cet oiseau. Je dois aussi observer que M. Salerne a fait une forte méprise[1], en disant que cet oiseau était le même que le ringtail ou queue-blanche des Anglais, dont ils appellent le mâle henharrow ou henharrier, c’est-à-dire ravisseur de poules : c’est ce caractère de la queue blanche, et cette habitude naturelle de prendre les poules, communs au ringtail et au jean-le-blanc, qui ont trompé M. Salerne et lui ont fait croire que c’était le même oiseau ; mais il aurait dû comparer les descriptions des auteurs précédents, et il aurait aisément reconnu que ce sont des oiseaux d’espèces différentes ; d’autres naturalistes ont pris l’oiseau appelé par M. Edwards blue-hawk, épervier ou faucon bleu, pour le henharrier[2] ou déchireur de poules, quoique ce soient encore des oiseaux d’espèces différentes. Nous allons tâcher d’éclaircir ce point, qui est un des plus obscurs de l’histoire naturelle des oiseaux de proie.

On sait qu’on peut les diviser en deux ordres, dont le premier n’est composé que des oiseaux guerriers, nobles et courageux, tels que les aigles, les faucons, gerfauts, autours, laniers, éperviers, etc., et le second contient les oiseaux lâches, ignobles et gourmands, tels que les vautours, les milans, les buses, etc. Entre ces deux ordres si différents par le naturel et les mœurs il se trouve, comme partout ailleurs, quelques nuances intermédiaires, quelques espèces qui tiennent aux deux ordres ensemble et qui participent au naturel des oiseaux nobles et des oiseaux ignobles ; ces espèces intermédiaires sont : 1o celle du jean-le-blanc dont nous venons de donner l’histoire, et qui, comme nous l’avons dit, tient de l’aigle et de la buse ; 2o celle de l’oiseau saint-martin que MM. Brisson et Frisch ont appelé le lanier cendré, et que M. Edwards a nommé faucon bleu, mais qui tient plus du jean-le-blanc et de la buse que du faucon ou du lanier ; 3o celle de la soubuse, dont les Anglais n’ont pas bien connu l’espèce, ayant pris un autre oiseau pour le mâle de la soubuse, dont ils ont appelé la femelle ringtail (queue annelée de blanc), et le prétendu mâle henharrier (déchireur de poules) ; ce sont les

  1. Jean-le-blanc, pygargus accipiter subbuteo Turneri ; Ray, Synops. en anglais, the ringtail, c’est-à-dire queue blanche ; et le mâle henharrow ou henharrier, c’est-à-dire ravisseur de poules ; il diffère des autres oiseaux de ce genre par son croupion blanc, d’où lui vient le nom de pygargus en grec, et par un collier de plumes redressées autour des oreilles, qui lui ceint la tête comme une couronne. M. Linnæus ne parle point de cet oiseau ; apparemment qu’il ne se trouve point en Suède : il est assez commun dans ce pays-ci, et surtout en Sologne où il fait son nid par terre entre les bruyères à balais, que l’on appelle vulgairement des brémailles. Ornithol. de Salerne, p. 23. — Nota. Que si M. Salerne eût seulement vu cet oiseau, il n’aurait pas dit qu’il avait une couronne ou collier de plumes redressées autour de la tête ; car le jean-le-blanc n’a point ce caractère qui n’appartient qu’à l’oiseau que Turner a nommé subbuteo, et que M. Brisson appelle faucon à collier.
  2. British Zoology, p. 67.