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Page:Buies - Au portique des Laurentides, 1891.djvu/79

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LE CURÉ LABELLE

vivant de milliards de vies, et cependant immobile, sommeillant dans l’éternité.

Pour moi c’était une de mes plus grandes jouissances que d’aller tous les trois ou quatre ans dans les défrichements nouveaux, aussi loin que pouvaient me porter les chemins de colonisation encore grossiers et difficiles, de me retrouver avec nos admirables colons et de constater la marche accomplie par eux, en dépit de tant d’obstacles accumulés. Ils me faisaient voir tout le terrain gagné dans l’intervalle de mes visites : ici, une route entière ouverte à travers tout un canton ou mêmes plusieurs cantons, afin de rejoindre des établissements isolés, perdus au delà de toute communication ; là, une paroisse récemment érigée avait remplacé ce qui n’était naguère qu’une mission sans ressources ; ailleurs, de petites industries avaient fait leur apparition, on avait construit un moulin, une scierie suffisant aux besoins locaux, voire même par endroits une beurrerie ou une fromagerie ; le maigre groupe de chaumières en bois rond était devenu un village renfermant des artisans, des industriels, des hôtels et tout cela quand devant, derrière soi, à droite et à gauche, la sombre et épaisse forêt se resserre en un cercle infranchissable et semble interdire d’aller au delà.