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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/233

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CHRONIQUES

Je me suis souvent demandé pourquoi les trois quarts des journalistes canadiens ne renchaussaient pas des patates au lieu de tenir une plume. À force de les lire je suis arrivé à en découvrir la raison ; c’est que ces écrivains ne font pas la moindre différence entre une plume et une pioche.

C’est une épouvantable fatalité que celle qui nous condamne à appeler confrères des gens comme ceux de l’Union des Cantons de l’Est, du Pionnier de Sherbrooke… Le premier ne disait-il pas ces jours-ci que « la confédération et ses légitimes influences avaient renversé le parti rouge, comme le christianisme avait fait de la synagogue ! » Ne disait-il pas encore que « les nationaux faisaient germer dans l’esprit, cette ivraie de la doctrine, si funeste aux populations !… Foudroyons l’hydre de la révolution, le libéralisme… » ” s’écriait-il dans un transport, au milieu d’un orage où le tonnerre devait être à discrétion. Oui, confrère, puisqu’il le faut, arrachez l’ivraie de la doctrine si funeste… ; mais, au nom du ciel, attendez que vous ayez lu quelque chose pour écrire ; cela vous fera peut-être comprendre que vous n’en aurez jamais le droit.

Ce qui me console un peu du journalisme canadien, c’est l’exemple que vient de donner le Groënland. Dans cette contrée boréale, séjour des ours blancs et des pingouins, ont paru dernièrement deux journaux dans la langue esquimale ; voilà une perspective pour