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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/234

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CHRONIQUES

le rédacteur de l’Union des Cantons de l’Est. L’un de ces journaux s’appelle Atuagagadlutit ; on croit lire, en voyant ce mot, l’en-tête d’un article de l’Union des Cantons.

30 Septembre.

House to let or for sale, Shop to let, Maison à louer ou à vendre, Magasin à louer, voilà ce qui attire l’œil à chaque instant sous forme d’écriteau, dans les rues de Québec. Ô capitale ! on prétend que nous sommes dans une époque de progrès : mille fois non. Du temps de Champlain, il n’y avait pas autant de maisons abandonnées, autant de magasins vides. Il n’y avait pas ces amas de débris, ces rapiéçages et ces rafistolages de masures moisies, ces constructions qui s’affaissent subitement comme des octogénaires qu’un souffle emporte, ces trottoirs vermoulus qui se pulvérisent sous les pas, ces rues jonchées de torrents de pierres, inondées de boue, tous les délabrements, tous les écroulements, toutes les ruines.

Il y a des heures du jour où Québec semble une ville abandonnée dans une sorte de terreur mystérieuse ; un repos sépulchral envahit les rues, quelques fantômes tournent ça et là des coins de maisons et se perdent ; les magasins solitaires bâillent au passant qui a l’air de s’échapper ; tantôt on entend une voiture qui se débat contre les pierres, saute de l’une à l’autre, cahote, bondit et retombe ; tantôt, une chute saccadée, puis un bruit mât, c’est un cailloux qui roule jusqu’à ce qu’il s’arrête sur un amas d’autres cailloux laissés là par les soins de la municipalité. D’autres fois c’est un clapotement flasque et des jets de boue qui vont frapper le