Aller au contenu

Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
CHRONIQUES

Mardi, 8 octobre.

Complaisant lecteur, je m’élance à l’instant du cap de Québec dans le steamer Secret qui m’emporte aux Provinces Maritimes. Il est trois heures et demie. Depuis une heure la pluie a cessé, les brouillards se déchirent et s’élèvent dans le ciel ; une température d’août, un petit vent tendre, empressé, chasse les dernières vapeurs qui somnolaient à fleur d’eau ; nous partons. Le Secret est le plus alerte des bateaux de la Compagnie du Golfe ; il porte un fret énorme et quarante à cinquante passagers qui manquent d’air dans le salon fermé hermétiquement ; la machine du bateau envoie des bouffées d’huile et de charbon qui ne sont pas à dédaigner ; lorsque les passagers se déchausseront pour se mettre au lit, il y aura une agréable complication.

6 heures du soir.

J’allonge le nez sur l’avant du steamer pour attraper les premières senteurs salines ; pas encore. On me dit de revenir dans quarante minutes juste ; tout cela est réglé d’avance par la Compagnie.

7 heures.

J’aspire un varech lointain, mais indubitable. Le temps est suave ; rien de neuf encore, la machine continue toujours de fonctionner et de puer comme un artilleur volontaire en petite tenue.

8½ heures.

Derechef je renifle ; enfin, le salin me pénètre. C’est ici que le voyage commence véritablement. Tant