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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/243

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CHRONIQUES

qu’on est encore dans l’eau douce, on reste stationnaire ; l’humanité a besoin de sel pour ne pas croupir, et si les hommes étaient privés de varech, ils moisiraient comme des champignons sur les arbres frappés de la foudre.

Minuit.

Heure solennelle à laquelle il ne fait pas bon d’entrer dans une cabine déjà occupée. Du reste, une odeur horrible partout : l’infanterie allemande tout entière lui est inférieure, après une marche forcée. Le principal objectif du maître-d’hôtel. steward, semble être d’étouffer son monde. Sous prétexte de répandre de la chaleur, on nous calfeutre : encore deux jours de concentration pareille, et il faudra saler les voyageurs. Il y a du fret jusque dans le salon inférieur, qui est une cale bordée de lits ; on respire au milieu d’un amoncellement de balais et de barils de provisions.

Les bateaux de la Compagnie sont tous beaucoup trop petits pour le trafic énorme qu’il leur faut desservir. Le Secret, en particulier, ne jauge que 293 tonneaux ; il est obligé de laisser une grande partie de son fret à Québec. Durant toute la saison, le nombre moyen des passagers a été de trois cents par voyage ; ils se sont couchés les uns sur les autres. Quant aux passagers de pont, il y en avait jusque dans les roues ; c’est pour cela que plusieurs palettes des roues du Miromichi ne peuvent plus fonctionner.

Mercredi, 6 h. du matin.

Aurore, saluons-nous. Les vagues d’azur chuchottent mollement autour du bateau comme des commères