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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/247

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CHRONIQUES

Il faut voir et entendre les gens qui ont l’habitude de voyager sur cette ligne pour se faire une idée de la métamorphose qui s’est accomplie en plusieurs endroits de son parcours. Qu’on se rappelle que, il y a quelques années seulement, la péninsule de Gaspé, dans notre propre pays, était plus éloignée de nous que ne l’est l’Europe ; que de petites goëlettes seules s’y rendaient et en revenaient, que nous n’en connaissions que ce qu’en disait le commandant Fortin dans ses rapports annuels auxquels bien peu s’intéressaient, parce que, pour s’intéresser à un pays, comme aux hommes qui l’habitent, il faut le connaître, avoir avec lui des relations, un contact fréquent d’où naissent une identité de mœurs et une certaine communauté d’intérêts propres à relier entre eux les hommes vivant éloignés les uns des autres. De tout le littoral qui s’étend de Matane à Halifax, nous ne savions rien que par les récits fantastiques des marins, par des traditions tronquées et des bribes d’histoire qui nous transportaient dans un monde tout différent du nôtre. Personne ne se serait avisé de faire le voyage du Golfe pour le voyage lui-même ; aujourd’hui le nombre des touristes est réellement incroyable, et, en ce moment même, à la fin de la belle saison, il y a, à bord du Secret, une vingtaine de passagers qui, comme moi, voyagent pour voir et connaître.

Il y a des Américains qui cherchent de nouveaux endroits de villégiature pour l’été prochain, et qui s’étonnent de ne pouvoir tirer de renseignements des Cana-