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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/33

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malaise physique qui produit l’affaissement ; chacun comprend qu’il faut un changement à l’état actuel, mais personne ne discerne ni ne veut employer les moyens propres à y conduire. Il n’existe point une opinion morale, une conscience publique qui s’éclaire et qui juge ; il y a tout au plus du mécontentement, de la dissatisfaction ; pourquoi ? on n’en sait rien. Je ne vois que deux partis à proprement parler ; les satisfaits qui ont des places, et les non-satisfaits qui ont des dettes ou ne peuvent en faire ; mais comme la majorité de ceux-ci votent pour les satisfaits, voyez ce que c’est que l’opinion publique du Canada. Cette opinion ressemble au candidat qui n’approuve pas le programme catholique, mais qui ne le désapprouve pas non plus. Toujours flottants entre une affirmation et une négation, les candidats n’osent pas se prononcer par crainte des électeurs, et ceux-ci ne se prononcent pas non plus parcequ’ils ne savent pas ce que les candidats veulent. Ne rien savoir, ne rien vouloir, toujours espérer jusqu’à en désespéré, se plaindre beaucoup en craignant le remède, comme ceux qui souffrent des dents et qui n’ont pas de plus grande horreur que le dentiste, avoir peur d’être dans les ténèbres et s’enfuir à l’aspect de la lumière, voir des maux partout et n’avoir d’autre idée que de s’y endurcir, subir toutes les pressions, se livrer passivement à tous les charlatanismes, attendre les événements comme s’ils étaient au-dessus ou en dehors de l’action humaine, accepter les faits accomplis sans prévenir ceux qui nous menacent, voilà l’état moral de notre société…… »

En quittant mon interlocuteur, je continuai à me promener de par la ville : j’arrivai à la porte Saint-Louis