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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/360

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peu de chose, je ne demande cependant pas de preuves de mon immortalité, parce que je la sens, je la sens, elle me frappe comme l’évidence et résulte à mes yeux de mon existence même.

Qui ne voit que la vie humaine, même la plus longue, n’est dans aucun rapport avec l’infini des désirs ? qu’on ne saurait avoir des aspirations qui n’ont pas de limites et ne vivre que soixante à quatre-vingts ans ? Cela est naturellement, physiquement impossible.

Voici encore une preuve que l’âme est non seulement immortelle, mais encore indéfiniment perfectible, car c’est là la condition de son immortalité. La vie se passe à enfanter des désirs qui, aussitôt satisfaits, se changent en dégoûts. Mais remarquez la progression ascendante, de ces désirs. Ils passent toujours d’un ordre de choses inférieur à un autre ordre plus élevé ; ce qu’hier on convoitait ardemment, aujourd’hui semble indigne de soi ; et, ainsi de désir en désir, d’aspiration en aspiration, on arrive à ne plus pouvoir se contenter de ce qu’offre la terre, et l’on se porte vers les mondes inconnus où désormais tendent tous les vœux. Ces vœux doivent être satisfaits, car ils sont légitimes ; ils naissent d’eux-mêmes, inévitablement, comme une conséquence propre de notre nature, et, ce qui prouve que la vie future sera meilleure que celle-ci, c’est qu’on y aspire.

Souvent je suis allé contempler sur le bord de la mer le firmament profond d’une nuit étoilée. Oh ! l’océan ! l’océan ! c’est l’infini réalisé, c’est l’insondable aperçu, devenu tangible, c’est l’immense inconnu qui se fait