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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/363

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s’être couché la veille avec l’aide de plusieurs amis chancelants, mais dévoués, et quand on s’éveille le lendemain, on est maître de l’univers autant qu’on l’est peu de soi-même.

C’est le moment ou jamais d’entamer une chronique, œuvre difficile lorsqu’on est à jeun, œuvre de prédilection lorsqu’on se souvient juste assez du lecteur pour lui rendre d’un coup tout le mal qu’il nous fait en une semaine.

Pour moi, je le regrette, je n’ai pas les lendemains féroces ; c’est sans doute là un des signes du ramollissement prématuré qui m’envahit. Quand un homme a le feu dans la tête et qu’il n’est pas furieux, c’est qu’il est bien près d’être idiot. Juste ciel !… Mais parlons des événements d’Europe.

Napoléon III est mort, c’est incontestable, et on lui en sait généralement gré, quoiqu’il se soit fait un peu tirer l’oreille pour en venir là. Malheureusement pour lui on ne peut l’oublier, et c’est le souvenir qu’il laisse qui est son plus terrible châtiment. Sédan n’était qu’un stigmate, la mort est un sceau impérissable, ineffaçable, mis sur sa vie. Il s’éteint sans avoir rien racheté, en prolongeant même les impuissantes espérances du crime avorté. Il a traîné jusqu’à la tombe le boulet de l’ambition coupable, et, ne pouvant plus dominer, il n’a pas cessé d’être nuisible.

Pendant deux ans, à Chiselhurst, il a eu l’audace de conspirer encore et a voulu léguer à son fils l’héritage sordide de son règne. Spectacle hideux et qui