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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/390

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santes ; huit ou dix avocats, trois ou quatre médecins, tous les élèves des Frères sans exception, tous les hommes de police urbaine et riveraine, un certain nombre d’employés, des ministres fédéraux, des ministres provinciaux surtout, puis plus rien, si ce n’est la foule stationnant sur la marche du convoi et retenue par un irrésistible instinct de curiosité.

Voilà à quoi s’est réduit cette cérémonie dont on a absolument voulu faire une démonstration. Jamais les dehors, l’affectation du deuil n’ont été poussés plus loin ; mais rarement aussi le sentiment public y a-t-il aussi faiblement répondu. Bien des pauvres gens y trouvaient un prétexte d’envie et murmuraient contre ce déploiement fastueux qu’ils ne trouvaient pas justifié. D’autres, des hommes éclairés et intelligents, cachaient à peine la mauvaise impression que leur faisaient tant d’honneurs rendus à un cadavre qu’on allait promener ainsi de ville en ville et apothéoser dans cinq ou six endroits différents avant de le livrer au repos de la tombe, honneurs bien plus grands, bien plus pompeux qu’on en aurait rendu à un bienfaiteur public, tandis qu’il ne s’agissait ici que d’un homme politique, exclusivement et absolument homme de parti, qui jamais n’avait pensé, agi et voulu que pour son parti ; qui, dans maintes occasions, avait montré un profond dédain de la justice, pour qui la violence était un moyen habituel, qui, en somme, n’avait aucune grande qualité morale ni aucun talent supérieur, mais seulement une forte capacité de travail, une énergie que rien ne déroutait et une obstination plus grande encore qui le rendait indifférent quant aux moyens à employer pour atteindre son but.