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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/444

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avec l’abîme de ses eaux sans fond, avec ses énormes montagnes, avec ce visage souvent horrible, toujours menaçant, que la nature lui a donné dans un jour de colère…

J’ai vu tout cela, oui, et je l’ai raconté ; aujourd’hui, je m’en repens presqu’autant que toi, lecteur chéri. Si, l’an prochain, de nouveaux squalls n’ont pas changé le lit des torrents et des rivières, transporté le Saguenay au-dessus des montagnes, ouvert subitement et gratuitement un chemin du lac Saint-Jean à Québec ; si quelque tremblement de terre n’a pas fait en deux minutes ce que les gouvernements sont déterminés à ne pas faire avant un demi-siècle, alors je t’invite à faire le même voyage que moi, pour constater avec quel scrupule je narre. Néron sera certainement au débarcadère du bateau, conjointement avec Rossus, pour te guetter… Quant à moi, je dis adieu, pour toujours peut-être, au lac et à sa merveilleuse vallée, abandonnant à mes petits-fils le plaisir d’y aller à ma place, quand il y aura un chemin de fer à voie étroite ou des planches considérablement améliorées.