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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/52

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couché sur la plage, regardait les petites vagues clapoter le long des galets, et, sur le bord des crevasses étroites qui serpentaient à mes pieds, quelques lézards se tenaient accroupis, silencieux habitants de ces retraites où peut-être jadis avait retenti le cri de guerre des Hurons. Compagnons de la solitude et des souvenirs effacés, ils en gardaient l’immobilité, l’inaltérable repos.

« Voulez-vous savoir ce qu’est l’écho dans nos montagnes ? » me dit M. Fennall, « vous pourrez le redire ensuite dans vos chroniques. » Et, prenant un fusil, mon compagnon le déchargea dans l’air. Un bruit sec alla frapper le ciel, et tel qu’une fusée qui, retombant du haut de sa course, s’éparpille en une pluie lumineuse, il se brisa dans l’espace en mille vibrations éclatantes. L’écho roulant de montagne en montagne, de précipice en précipice, frappant les rochers aux profondeurs sonores, s’élevant dans l’air pour retomber aussitôt avec un fracas mille fois répété jusque dans les entrailles des collines et des ravins frémissants, s’arrêta tout à coup comme suspendu dans l’immensité : puis, semblable aux derniers tressaillements de la note qui meurt sous les doigts de l’artiste, il s’éteignit doucement en rendant quelques sons plaintifs comme un regret de quitter l’espace ému de ses accents. Oh ! le reste de ma vie au milieu de cette nature paisible, dans la liberté des bois mais, hélas ! l’homme n’a qu’un jour à vivre sur la terre, et tout ce jour il est esclave !

Déjà le soir commençait à déployer son manteau d’ombres ; la brise, chargée de fantômes à peine formés,