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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/77

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CHRONIQUES

Les hommes les plus spirituels qui aient vu le jour en Canada ont longtemps vécu ici. Qui n’a connu l’incomparable, l’unique M. Chaloult, le grand ami des juges Vallières, Aylwin et Stewart, qui a laissé un nom presque fabuleux, après avoir été pendant un quart de siècle l’étonnement de tous ceux qui entendaient ses intarissables saillies ?

Qui ne se rappelle le légendaire, l’inouï, le merveilleux shérif Martineau, dont l’apparition seule était comme un cri de joie, ce boute-en-train infatigable qui, pendant quinze ans, mit Kamouraska sens dessus dessous, et qui a dépensé plus d’esprit, plus de verve, plus d’irrésistible gaieté dans ses glorieuses soulographies, qu’on ne peut en mettre dans un in-folio de cent pages ? Et, aujourd’hui encore, quels types prodigieux ! Qu’on ne vienne à Kamouraska que pour voir et entendre ces fantastiques originaux, et l’on passera une saison des plus amusantes.

Il y a tant de choses à dire sur Kamouraska que je ne tarirais jamais, mais vous m’avez prescrit des limites et je dois m’y renfermer. Peut-être en ai-je trop dit, hélas ! je ne sais jamais où va ma plume, et je suis plein d’indulgence pour cette bonne vieille amie qui m’a joué tant de mauvais tours. J’ignore la discrétion, cette vertu des sages et souvent de ceux qui ne savent rien dire. Où en seriez-vous, grands dieux ! s’il fallait que je fusse discret, tout en étant chroniqueur ?…