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Page:Buies - Chroniques, Tome 2, Voyages, 1875.djvu/156

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VOYAGES

feuillage scintillant. C’est dans une de ces vallées que se trouvent ces étranges puits naturels à peine visibles à l’œil du voyageur, et dont une légère bordure d’herbe indique seule la présence. Ces puits sont au nombre d’environ une vingtaine, et offrent un orifice presque exactement rond, d’un diamètre de six à sept pieds. Rien n’agite la surface de leur eau immobile, et jusqu’aujourd’hui tous les sondages les plus obstinés et les plus complets n’ont pu en faire découvrir le fond. Évidemment ces puits sont d’anciens cratères volcaniques depuis longtemps éteints, et l’eau qui les remplit a dû sourdre tranquillement à travers les profondeurs du sol ; toute la surface de la région qui les entoure porte la trace de puissantes commotions de la nature ; la lave sous toutes les formes et d’énormes blocs de granit brisés, épars, jetés çà et là dans un désordre fougueux, en sont une attestation frappante. La vallée où se trouvent les puits naturels est toute petite ; le train y arrête, s’y alimente d’eau et continue jusqu’à ce qu’on atteigne les Palissades, murailles de pierre énormes, coupées à vif, entre lesquelles il n’y a guère que la largeur de la voie ferrée, et qui ont l’air de se menacer les unes les autres. On dirait des titans antiques voulant se précipiter dans une dernière lutte et arrêtés subitement au milieu du suprême effort ; ils se regardent, ils frémissent, ils grondent, mais restent impuissants, cloués sur le sol, qui va les retenir pour l’éternité. Les Palissades sont à cinq mille pieds au-dessus de la mer et donnent leur nom à un petit village situé dans leur sein, d’où les diligences rayonnent de tous côtés jusqu’à des distances de cent milles.