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Page:Buies - Chroniques, Tome 2, Voyages, 1875.djvu/248

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VOYAGES

nir et j’avais juré de ne jamais te quitter, en récompense de ce que tu m’avais inspiré de touchantes et de délicieuses chimères. Et pourtant ! Je t’ai raillé, je t’ai bafoué, j’ai redoublé sur toi les traits et les rires ; l’outrage a été public et mes livres le gardent tout entier, mais je t’aime, je t’aime !

Rien n’est beau dans le monde comme toi, mon pauvre Québec, et le monde, je le connais. L’admiration que tu inspires est encore bien au dessous du langage que tu parles au cœur. L’étranger, qui voit tes débris entourés du cadre majestueux de montagnes qui s’étendent bien au-delà du regard, te contemple encore moins dans la grandeur prodiguée par la nature que dans les innombrables souvenirs enfermés dans ton sein. Tu es vieux, décrépit, tu fatigues dans ta ceinture de remparts, mais tu as la majesté sainte des grandes choses que le temps seul, après de longs efforts, parvient à effacer. Pour moi, désormais, tu es sacré, et dans toute cette Amérique si jeune et si fière de sa jeunesse, je n’ai encore rien vu d’aussi jeune que tes ruines.

Oh ! quand je me reporte vers mes rêves si violemment et si cruellement interrompus, je me demande ce que je puis croire désormais ici-bas et sur quelle poussière nouvelle je vais essayer de bâtir pour l’avenir. Tout est donc déception, illusion, chimère ! Jusqu’au bonheur lui-même qui me trompait…… Et pourtant il n’y a rien de vrai sans lui, et en dehors de lui qu’y a-t-il, que me restera-t-il après l’avoir rêvé ?

Je vais me mêler à la foule des ombres qui s’agitent, je vais me laisser prendre aux passions vulgaires et me faire aussi ma place dans le vide. Je vais descendre dans le