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Page:Buies - Récits de voyages, 1890.djvu/28

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récits de voyages

diminuer sa large expansion. Au-dessus de nos têtes s’amoncelaient de gros nuages noirs, et il semblait que nous allions nous précipiter tête baissée dans un formidable orage. Les éclairs se succédaient sans interruption, mais aussi sans accompagnement de tonnerre ; à mesure que nous avancions, ils continuaient d’éclairer notre route par jets soudains, mais en s’éloignant de plus en plus et en gagnant la rive américaine ; c’étaient ce qu’on appelle communément des éclairs de chaleur, ces nausées du ciel que ne suit aucun vomissement. La lune, « qui était due », nous jouait le même tour qu’elle joue souvent aux compagnies de gaz de nos villes ; elle refusait de paraître. Enfin, vers onze heures, nous aperçûmes à l’horizon son disque encore hésitant qui émergeait des vastes profondeurs ; elle était cachée aux trois quarts par le cercle des ténèbres qui l’entouraient. Longtemps nous la vîmes combattre sur la cime des nuages pour refouler leurs cohortes entassées et opaques. Enfin elle apparut victorieuse, dans le ciel délivré et conquis par elle, et son vaste globe, éclatant dans son plein, sembla comme un gros lustre retenu dans l’infini par une main invisible.

Sous la splendeur douce et comme maternelle