Aller au contenu

Page:Bulletin de la société de Paris et de l'Ile de France, 6e année, fasc 1 et 2, 1934.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

niques[1], et qui demeurait rue des Jardins[2]. Ne pouvant les dégager, le Juif lui demanda, en échange de ses vêtements, de lui apporter l’hostie qu’elle allait recevoir à l’église où elle devait communier. La malheureuse acquiesça au désir du Juif et, en revenant, lui remit l’hostie. Dès qu’elle fut en sa possession, il la perça d’un couteau ; le sang jaillit. Affolé, il la jeta dans une chaudière d’eau bouillante qui devint immédiatement toute rouge. Ne sachant que faire, il la retira et la flagella pour l’anéantir. Aux cris poussés par sa femme, appelée Bellatine, une autre femme qui passait entra, reprit l’hostie et la reporta au curé de Saint-Jean-en-Grève. Une instruction fut ouverte sur ce fait par l’évêque de Paris, Matifas de Buci, à la suite de laquelle le Juif fut brûlé. De son mariage, il avait une petite fille de l’âge de douze ans ; l’évêque la fit baptiser et la plaça chez les Filles-Dieu.

Pour assurer la tranquillité dans la ville de Paris, Philippe le Bel, en 1288[3], défendit à qui que ce fût de porter sur lui des couteaux à pointe, des épées ou d’autres armes, sous peine de prison et de confiscation desdites armes. De plus, pour assurer le repos des habitants contre la licence des coureurs de nuit, il fut aussi défendu aux bourgeois de Paris de faire aucune réjouissance nocturne, pas même pour cause de noces, à moins que le roi ou le prévôt de Paris en eussent donné la permission. Ceux qui seraient trouvés en faute seraient punis dans leurs corps et dans leurs biens. Au mois de novembre 1302[4], le roi réorganisa le Châtelet et établit quatre-vingts sergents à cheval et autant à pied pour maintenir l’ordre dans la ville.

Si nous nous en rapportons à ce que dit un bourgeois de Paris au commencement du xve siècle et si nous rapprochons de son récit les chiffres qui nous sont donnés par les Journaux du Trésor de Philippe IV le Bel, de Charles IV le Bel et de Philippe VI de Valois, nous pourrons nous rendre compte que, si l’on s’était promené à cette époque la nuit dans Paris, on aurait couru de grands risques de rencontrer des loups dans les rues. Le Journal d’un bourgeois de Paris nous apprend qu’aux mois d’août et de septembre 1423 les loups venaient toutes les nuits dans la ville et qu’on en prenait souvent trois ou quatre[5] ; qu’en 1439 ils traversaient la Seine, prenaient les chiens ; qu’ils dévorèrent un enfant près des Innocents et quatorze personnes

  1. Éd. J. Viard, t. VIII, p. 145.
  2. Cette rue qui, au xive siècle, après ce miracle, fut appelée la rue où Dieu fut bouilli, est maintenant la rue des Archives et, auparavant, la rue des Billettes.
  3. D. Félibien, Hist. de la ville de Paris, t. IV, p. 515.
  4. D. Félibien, op. cit., t. V, p. 615, et Ord., t. I, p. 352.
  5. Éd. A. Tuetey, p. 187.