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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/198

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autour de moi, je suis presque disposé à envier votre sort. Si je n’étais Vargrave, je voudrais être Maltravers. »

C’était en effet un tableau calme et paisible, unissant, comme cela se voit en Angleterre, la vie féodale à la vie pastorale. La verte place du village, environnée de chaumières proprettes éparpillées ça et là ; les champs et les pâturages qui s’étendaient au-delà ; plus loin les pelouses du parc, coupées par les ombres que projetaient les mouvements du terrain et les massifs d’arbres vénérables d’où s’élevaient les tourelles du vieux manoir, avec leurs fenêtres gothiques étincelant au soleil couchant ; tout cela formait un tableau qui respirait le calme et le contentement et qui devait charmer également l’humble philosophie et l’orgueil héréditaire.

« Je n’ai jamais vu de maison qui eût un cachet plus remarquable que Burleigh, dit le recteur. Les vieux manoirs qui nous restent en Angleterre appartiennent pour la plupart à la haute noblesse. Il est rare de voir une demeure, qui n’a pas d’autre prétention que d’être la résidence d’un particulier, conserver, comme celle-ci, tout les caractères du siècle des Tudors.

— Puisque, d’après le testament de mon oncle, dit Vargrave en se tournant vers Éveline, votre fortune doit être consacrée à l’achat de terres, il me semble que nous ne pourrions trouver un meilleur placement que Burleigh. Ainsi quand il vous prendra fantaisie de vendre, Maltravers, je crois qu’il nous faudra enchérir sur l’offre de Doltimore. Qu’en dites-vous, ma belle pupille ?

— Laissez donc Burleigh en paix, je vous en conjure, dit Maltravers avec emportement.

— Voilà qui est parler en Digby, répondit Vargrave. Allons, vous allez revenir au presbytère avec nous.

— Je vous remercie, pas aujourd’hui.

— Nous nous reverrons chez lord Raby, jeudi prochain. C’est un bal donné presque uniquement en l’honneur de votre retour à Burleigh, nous y allons tous. C’est le début de ma jeune cousine à Knaresdean. Ses conquêtes nous intéressent tous. »

En levant les yeux pour répondre, Maltravers rencontra le regard d’Éveline, et sa voix s’altéra.

« Oui, dit-il, nous nous reverrons… une fois encore. Adieu ! »

Il tourna la bride de son cheval, et l’on se sépara.