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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/213

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tement dépourvus de fondement, du moins empruntés à de fausses interprétations. De plus, à dire toute la vérité, je ne le crois pas homme à se laisser aveugler par des flatteries et attirer dans le giron d’un parti quelconque ; vous verrez un beau jour votre oiseau s’envoler quand vous aurez gaspillé inutilement un baquet de sel sur sa queue.

— C’est bien possible, dit lord Raby en riant ; vous le connaissez mieux que moi. Mais nous avons plusieurs choses en vue dans cette affaire : des choses trop locales pour vous intéresser. En premier lieu, nous abaisserons l’influence des Nelthorpe, rien qu’en leur montrant que nous songeons à élire un nouveau candidat ; en second lieu, nous ferons naître une manifestation de sentiments qui serait impossible si nous ne possédions un centre d’attraction ; troisièmement, nous éveillerons une certaine émulation parmi les autres gentilshommes du comté, et si Maltravers refusait, nous aurions d’autres candidats ; quatrièmement enfin, en supposant que Maltravers n’ait pas changé d’opinions, nous le rendrons suspect au parti auquel il appartient véritablement, et qui deviendrait assez formidable s’il en était le chef. En somme, ce n’est là que de la tactique de comté, que naturellement vous ne devez pas trop comprendre.

— Je vois que vous avez raison. Dans tous les cas vous aurez l’occasion de présenter au comté une des plus jolies personnes qui aient jamais embelli les salons de Knaresdean, bien que ce ne soit peut-être pas à moi qu’il appartienne de le dire.

— Ah ! miss Cameron ! j’ai beaucoup entendu parler de sa beauté. Vous avez du bonheur, Vargrave ! À propos, devons-nous parler de cet engagement ?

— Mais vraiment, mylord, c’est une chose si généralement connue maintenant, que vouloir la cacher, ce serait affecter une fausse délicatesse.

— Fort bien ; je comprends.

— Que je vous ai donc retenu longtemps ! mille pardons ! Je n’ai que tout juste le temps de m’habiller. Dans quatre ou cinq mois d’ici il faudra que je me souvienne de vous laisser plus de temps pour votre toilette.

— Moi ?… comment ?

— Oh ! le duc de *** ne peut vivre longtemps. Et j’ai toujours remarqué que lorsqu’un bel homme a la Jarretière, il lui faut toujours beaucoup de temps pour tirer ses bas.

— Ah ! ah ! ah ! que vous êtes amusant, Vargrave !