Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/353

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais ce dernier occupait presque toute sa pensée. Les journaux avaient rapporté qu’il était sérieusement malade, en grand danger pendant un moment. Il allait mieux ; mais il était encore hors d’état de quitter sa chambre. Il avait écrit une fois à Caroline ; dans cette lettre il déplorait sa mauvaise fortune ; il exprimait l’espoir d’être bientôt à Paris, il y parlait avec un plaisir évident du départ de Legard pour Vienne, qu’il avait appris par le « Morning Post ». Mais il était loin, il était seul, il était malade, il manquait de soins ; et quoique l’amour criminel de Caroline fût bien affaibli par le froid égoïsme de Vargrave, par l’absence et le remords, cependant elle avait un cœur de femme, et Vargrave était le seul homme qui l’eût jamais touché. Elle compatissait à ses souffrances, et elle pleurait en silence ; elle n’osait exprimer sa sympathie à haute voix, car Doltimore avait déjà donné des indices d’un caractère soupçonneux et jaloux.

Éveline aussi fut vivement affligée en apprenant la maladie de son tuteur. Comme je l’ai déjà dit, du moment qu’il cessa d’être son amant, toute son affection d’enfance pour lui se réveilla. Elle alla même jusqu’à lui écrire ; et un certain ton de découragement mélancolique, qu’il répandit avec art dans sa réponse, lui causa une espèce de remords. Il lui mandait dans cette lettre qu’il avait beaucoup de choses à lui dire relativement à un placement de fonds, conforme aux volontés de son beau-père, et qu’il se hâterait de se rendre à Paris même avant que le docteur autorisât son voyage. Vargrave ne dit pas en quoi consistait le placement projeté. Les dernières nouvelles publiques de sa santé avaient néanmoins été si favorables qu’on pouvait s’attendre à le voir arriver d’un jour à l’autre ; Caroline et Éveline se sentirent rassurées.

Maltravers confia son amour à Montaigne, et celui-ci, aussi bien que Teresa, l’approuva et l’encouragea. Éveline les charmait ; et ils avaient tous deux passé l’âge où ils auraient pu croire que l’homme qu’ils avaient connu presque adolescent était séparé par les années de la vive sensibilité et de l’extrême jeunesse d’Éveline. Ils n’admettaient pas que les sentiments qu’il avait inspirés pussent être moins ardents que ceux dont il était lui-même animé.

Un jour Maltravers s’était absenté pendant plusieurs heures dans une de ses promenades solitaires, et Montaigne n’était pas encore revenu de Paris où il se rendait presque tous les jours. L’après-midi était fort avancée et touchait