Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/386

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LIVRE X


CHAPITRE I

Qualis ubi in lucem coluber,

Mala gramina pastus.

(Virgile.)
Pars minima est ipsa puella sui.
(Ovide.)

Il serait superflu, et peut-être révoltant, de raconter en détail la façon dont s’y prit Vargrave pour enlacer de ses réseaux la malheureuse jeune fille que son destin lui avait choisie pour proie. Il avait raison de prévoir qu’après le premier mouvement de stupéfaction causé par la lettre de Maltravers, le ressentiment d’Éveline se trouverait étouffé par la certitude qu’elle conservait de son affection, par l’incrédulité que lui inspiraient ses accusations de lui-même, et par sa secrète conviction que ses adieux et sa ſuite avaient pour motif quelque revers, quelque malheur, qu’il ne voulait pas qu’elle partageât. Vargrave communiqua donc bientôt à Éveline l’histoire qu’il avait suggérée à Maltravers. Il lui rappela la tristesse habituelle, si visible chez lady Vargrave ; l’indifférence de celle-ci pour les plaisirs du monde ; la susceptibilité avec laquelle elle évitait toute allusion aux premières années de sa vie.

« Le secret en est, dit-il, dans un ardent attachement de sa jeunesse. Votre mère aimait un jeune étranger, d’un rang supérieur au sien, qui (la tête remplie des exagérations romanesques de l’Allemagne) parcourait alors le pays pédestrement et à la recherche des aventures, sous le nom supposé de Butler. Elle en fut ardemment aimée en retour.