Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À la fin Darvil fut tué ; le banquier respira plus librement ; il réfléchit plus sérieusement à ses projets. À cette époque, Sarah, courtisée par son premier amant, désira se remarier. Le secret de Templeton serait transmis par elle à son second mari, et dès lors comment savoir où il s’arrêterait ? En sus, la conscience de Sarah commençait à la tourmenter ; elle voulait que la légitimité de l’enfant fût proclamée, qu’on effaçât de la mémoire de sa mère morte la flétrissure du déshonneur. Elle devint importune, elle obséda, elle effraya le pieux banquier. Il résolut donc de se débarrasser du seul témoin de son mariage dont il eût à craindre les révélations, de la présence de la seule personne qui connût sa faute, et le véritable nom du mari de miss Westbrook. Il consentit au mariage de Sarah avec William Elton, et lui offrit une dot assez considérable, à la condition qu’elle céderait au désir exprimé par Elton lui-même, jeune homme d’un esprit entreprenant, qui désirait tenter fortune dans le Nouveau-Monde. Templeton se proposait de placer sa fille en d’autres mains.

Sur ces entrefaites, l’enfant d’Alice, d’une complexion depuis longtemps faible et délicate, tomba sérieusement malade. Des symptômes de phthisie se déclarèrent ; le médecin conseilla un air plus doux, et suggéra le Devonshire. Rien ne put égaler la bonté généreuse et paternelle que déploya Templeton dans cette triste occasion. Il insista pour qu’Alice lui permît de lui fournir les moyens d’entreprendre ce voyage avec tout le bien-être possible ; et la pauvre Alice, le cœur gonflé de reconnaissance et de chagrin, consentit à tout ce qu’il proposa.

Dès lors le banquier commença à s’apercevoir que ses espérances et ses désirs étaient en bon chemin, Il prévit que l’enfant d’Alice était condamné ; c’était déjà un obstacle de moins. Il fallait éloigner Alice de l’humble sphère où elle exerçait sa modeste profession. Dans un lointain comté et sous un autre nom, elle pourrait avoir l’air d’appartenir à une classe plus élevée de la société. Conformément à ces vues, il lui fit croire que les médecins, soignaient leurs malades plus ou moins bien selon leur fortune et la position apparente de la famille. Il proposa qu’Alice partît, sans bruit, pour une ville située à plusieurs milles de distance ; là il lui procurerait une voiture et une domestique. Il serait censé faire tout cela pour une parente, dont Alice prendrait le nom. Complétement absorbée par son enfant, et soumise à