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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/404

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tout ce qui pouvait contribuer son rétablissement, Alice consentit passivement. Tout se passait comme le voulait Templeton et, sous le nom de Cameron, qui lui était venu à l’esprit comme un nom à la fois commun et sonnant bien à l’oreille, Alice partit avec sa petite malade, emmenant une bonne (qui ne connaissait rien de la profession ou de l’histoire antérieure de sa maîtresse), et prit la route du Devonshire. Templeton résolut de l’y suivre au bout de quelques jours ; et il fut décidé qu’ils se rencontreraient à Exeter.

Ce fut pendant ce triste voyage qu’arriva le jour mémorable où Alice revit une fois encore Maltravers, échangeant des serments d’amour (à ce qu’elle crut) avec une autre femme[1]. L’indisposition de son enfant l’avait arrêtée pendant quelques heures à l’auberge ; la pauvre petite malade s’était endormie ; et Alice venait de s’éloigner de sa couche, lorsque ses yeux tombèrent sur le père de son enfant. Oh ! combien elle brûlait alors de lui apprendre la sanctification nouvelle qu’une vie humaine avait ajoutée à leur amour ! Et lorsque, anéantie, navrée, elle se retira, se croyant oubliée et remplacée, ce fut l’orgueil de la mère, plutôt que celui de l’amante, qui la soutint. La douce créature ne sentait pas l’injure qui lui était faite, à elle ; mais l’enfant d’Ernest, l’être souffrant, mourant peut-être : oh ! c’était là, là qu’était l’offense ! Non ! elle ne courrait pas la chance de voir un regard froid, grand Dieu ! peut-être même incrédule, tomber sur ce visage pâle et endormi. Il lui restait peu de temps pour réfléchir, pour expliquer, pour s’informer. Elle le vit partir de ce lieu comme un étranger, ignorant même qu’il eût passé si près du bonheur et qu’il l’eût ainsi perdu. Désormais Alice aussi avait perdu la douce espérance de vivre pour l’avenir. Il ne lui restait plus rien, que le gage de ce qui avait été. Triste, désespérée, le cœur à demi brisé, elle reprit son voyage. À Exeter, Templeton la rejoignit, comme il en était convenu ; il amena avec lui une jolie petite fille, rose et fraîche, qui faisait contraste avec l’être languissant que soignait Alice. Quoique la petite étrangère n’eût que quelques mois de plus que l’enfant d’Alice, on l’eût crue plus âgée d’un an : l’une était si forte, si précoce ; l’autre si retardée, si peu développée, si maladive.

« Vous pouvez me rendre tout ce que j’ai fait pour vous, et plus encore ; bien plus que je ne pourrai jamais faire pour

  1. Voy. Ernest Maltravers, 1re partie, liv. v, p. 223.