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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/429

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les arbres un grand nombre de personnes qui allaient et venaient au loin. Il sentait que le son de sa voix ferait venir du secours en un instant, et son assurance lui revint.

« Mon pauvre ami, dit-il d’un ton doucereux, en accélérant le pas, je suis bien chagriné de vous trouver l’air si malade ; ne pensez pas tant à ce qui est passé.

— Il n’y a point de passé ! répondit Cesarini d’un air sombre. Le passé est mon présent ! j’ai songé, songé toujours dans les fers, et au milieu des ténèbres, à tout ce que j’ai souffert, et la lumière s’est faite dans mon âme, pendant ces jours où l’on me disait que j’étais fou ! Lumley Ferrers, ce ne fut pas par intérêt pour moi que vous m’avez entraîné au plus profond des enfers, démon que vous êtes ! Vous aviez quelque intérêt personnel à servir, en la séparant de Maltravers. Vous avez fait de moi votre instrument. Pourquoi auriez-vous commis un crime pour moi ? qu’est-ce que j’étais pour vous ? Répondez-moi, sans mentir, si vos lèvres sont capables de donner passage à la vérité !

— Cesarini, répondit Vargrave de son accent le plus caressant, une autre fois nous causerons de tout cela ; croyez moi, mon seul but était votre bonheur, combiné, c’est possible, avec la haine que m’inspirait votre rival.

— Menteur ! vociféra Cesarini, et il étreignit le bras de Vargrave avec la force que lui prêtait sa folie croissante, tandis que ses yeux flamboyants se fixaient sur la physionomie changeante de son tentateur. Vous aussi vous aimiez Florence !… Vous aussi vous recherchiez sa main ! C’était vous qui étiez mon véritable rival !

— Chut, mon ami, chut ! dit Vargrave en cherchant à se débarrasser de l’étreinte du fou, et en devenant sérieusement inquiet ; nous approchons de la partie fréquentée du jardin, nous serons observés.

— Et pourquoi les hommes sont-ils devenus mes ennemis ? Pourquoi ma propre sœur est-elle devenue ma persécutrice ? Pourquoi me livre-t-elle aux bourreaux qui me torturent, et me fait-elle enfermer dans un cachot ? Pourquoi les serpents et les démons sont-ils mes compagnons ? Pourquoi ma tête et mon cœur sont-ils en feu ? Pourquoi êtes-vous libre, vous, et jouissez-vous de la liberté et de la vie ? Observés ! que vous importe, à vous, qu’on vous observe ? Moi, tous les hommes sont à ma recherche !

— Alors pourquoi vous exposer si ouvertement à leurs regards ? pourquoi…